31 octobre 2007

 

Car song

Petite expérience pour ceux que ça amuse :
Lisez ce post puis écoutez ça en cliquant ici

Je suis tombé dessus en faisant une recherche sur "cars" dans mon Itune, la faute à une reprise en cours de "Just What i Needed" des Cars avec Dust and Chimes (hopefully soon termined).

C'est une toute première version de "Car song" le dernier morceau de l'album de tsé, qui (c'est à peu près officiel) va sortir à une date encore indéterminée chez Optical Sound.

ca a été un choc. je double clique, le son vient et je me dis "putain c'est quoi ça déjà ? c'est vachement bien...." puis je réalise que c'est un morceau à moi, que je n'ai pas écouté dans cette version primitive depuis bien 6 mois... C'était le premier morceau, né dans les premières heures de mon arrivée à Berlin en mars. Celui qui m'avait donné l'excitation, l'énergie pour y croire, continuer bosser.
La matrice de tout l'album en quelque sorte.
J'ai énormément souffert avec ce track(au moins 15 variantes trainent au fond de mon disque dur) qui a terminé dans une version totalement différente sur sa structure, son intention et son énergie. Au final une chanson plus sophistiquée, plus "pleine", et plus "intéressante", c'est sûr... mais à réentendre cette première mouture avec ce son merdique, cette structure statique j'ai aussi redécouvert la pureté de l'intention première, quelque chose comme une beauté brute qu'il est extrêmement difficile de conserver dés que l'on essaie de raffiner les choses... et on ne les raffine/affine que pour une raison, les rendre "présentable" en vue d'une sortie par exemple... c'est je suppose un grand classique de tout processus créatif, mais ca a été un choc pour moi, tellement que je n'écoute que ça depuis 24 heures en me demandant où se situe le moment où l'on bascule et l'on finit par ne plus croire en cette intention première.... j'en ai discuté avec Jean-Baptiste, le peintre avec qui je partage l'atelier, qui m'a dit tout de go cette chose d'une grande (et triste) beauté :

"on ne peut pas toujours se priver de ce qu'on aime"

C'est là que se situe la noeud du problème. A rechercher un "but" on finit par se refuser des choses. il m'a parlé de ses formes/sculpture qu'il aime poser sur une table, qui se suffisent en soi, et dont il ne sait quoi faire "dans le cadre d'une expo", c'est la même chose. La perte d'une innocence originelle au nom d'une recherche d'un assentiment, d'une publication, d'une standardisation finalement.

(je n'ai pas envie de livrer la version finale à titre de comparaison, sinon vous perdriez justement cette innocence)

Bien, il n'est pas impossible que du coup nous la casions en bonus track cette première démo. Rien que pour suggérer cette question.

26 octobre 2007

 

La moustache (2)

Avec un jeune collègue blogueur lettré, avons spéculé sur les raisons de la venue d'un certain public du troisieme blog. Jeunes plumes rêvant d'un sujet brillant sur lequel vous faire les dents, à vos Bics.

omorph: "avancee technologique sous hitler"
omorph: voila comment les gens arrivent au troisieme blog
omorph: (j'ai installé les stats hier)

thomas_c: haha
thomas_c: hahahaha !

thomas_c: excellent
thomas_c: le type qui cherche des arguments pour convaincre...
thomas_c: "bordel hitler c'est quand même les autostrades, on ne peut pas lui enlever ça !"

thomas_c: il faut essayer d'imaginer le type devant son google, cherchant la formulation parfaite pour ne pas perdre son temps...

24 octobre 2007

 

Le sens figuré

L'appel à projet du Sens figuré est disponible ici :


http://lesensfigure.fr/



Le projet avance, merci bien.

23 octobre 2007

 

Dust & Chimes et une photo de l'atelier

deux messages en un ça va plus vite.

mellow mellow, Can "She brings the rain" par Dust & Chimes... L'original est la merveille quel'on sait et je suis ravi de m'y être frotté. Michel a comme toujours retrouvé les mélodies, construit et chanté la première version, je me suis occupé du son / des sons et de la strouctourazion finale. toujours difficile d'apprécier le mix au casque (surtout la fuckin' batterie) mais nous nous arrêterons là pour le moment. Ca a été un peu difficile d'aboutir avec cette chanson (premiers tests en août en Bretagne...), j'espère que ça ne se sent pas trop. Un style très peu tsé-iste mais je m'y retrouve. Nous visons le marché des magasins de chaussures, worldwide.

Dust and Chimes central : http://www.virb.com/dust_and_chimes




Une photo de l'atelier (de nuit...) depuis la caméra de l'ordi. Dans l'image, un morceau de la pièce dos à moi avec quelques bouts d'oeuvres de JB, le peintre/plasticien. Hors-champ, les 150 mètres carré restant, on verra ça une autre fois !


21 octobre 2007

 

Berliner Projekt : premier tour de la question en forme de plan de travail

Titre provisoire "Berlin en 100 disques"

Description : Faire un guide historique de la musique berlinoise, en 100 disques.
100 disques qui permettent de visiter la ville. 100 disques produits sur place, ou réalisés par des artistes berlinois, à toutes les époques (depuis l'invention du disque).
Pourquoi 100 ? Pour le compte rond, parceque c'est beaucoup et cela permet de bien fouiller les choses.
Cela ne veut pas dire 100 chapitres. Certains parleront en quelques pages d'une dizaine de disques. D'autres parleront en 10 pages d'un seul. Mais nous essaierons de nous tenir à 100 oeuvres.

La musique de Berlin, la musique de l'Histoire
Le passionné de musique est toujours un chercheur, un documentaliste et un historien. Il passe sa vie à faire des arbres généalogiques. Je veux faire celui de Berlin. Etudier une "scène", une entité géographico/historique et ce qu'elle (a) produit.

A étudier la culture sous-terraine de Berlin, on soulève les questions de l'environnement dans lequel elle évolue. Je ne prétends pas l'étudier, je prétends simplement lui passer dessus. Devront surgir d'elles même quelques questions à portée un peu plus larges que celle du catalogue de mélomane.


Raconter Berlin ?

Faire de l'histoire par le bas. En racontant ces artistes, ces scènes et ces moments, sous le ciel de plomb de la grosse histoire, on foucaldise en quelque sorte. On fait l'histoire à travers la production de discours, si mineurs soient-ils. Cette Histoire de Berlin par la petite porte n'est pas mon ambition principale. Qu'elle transparaîsse, oui mais par la bande.

J'insiste. J'aime beaucoup cette peinture d'Alla Atchuk. Staline encule Hitler dans un petit twist passionnel où l'on a fait voler les meubles. Ce coït, c'est Berlin. Impossible qu'il n'ait pas produit une petite musique bien particulière.
Je n'essaierai pas vraiment de dégager un grand ensemble "ce qui fait qu'une musique berlinoise est berlinoise" je me contenterai d'observer ce qui se passe, "ce qui s'est passé". Ce que Berlin produit aux différents moments de son histoire, de dénicher les musiques qui sont pures essences de zeitgeist non diluées, et par là, surtout, ce que "Berlin a fait à la musique".

On ne veut donc surtout pas nier le geste artistique et le réduire à un pur produit de son environnement. On veut justement s'y intéresser et l'interroger dans son milieu. Comme un éthologue.
La distortion que la politique impose à l'art. Berlin est à son corps meurtri et défendant un parfait témoin de ces questions. Là comme ailleurs, je ne veux nullement en visiter les aspects théoriques. Nous sommes ici en pleine pop'-étude, pop'histoire et histoire de la pop : tout est affaire de cas pratiques. Le Potemkine de Meisel, Le Theme from Sputnik des Sputnik (oui du surf rock DDR de merveilleuse facture qui célèbre l'avancée technologique soviétique), Le Negativ Nein des Neubauten Etc. 100 études de cas qui permettront de voir ces questions en face, sans du tout chercher à les systématiser. (Sur votre droite : La geräuschmusikmaschine de Edmund Meisel, cliquable).


La musique et la terreur


La question de la fête sous la dictature. Un héroisme bien particulier, détaché de la lutte contre le régime. Une lutte identitaire. Toutes les fêtes, même sous les plus molles sociales-démocraties sont des confrontations/affirmations identitaires. Mais sous la dictature cela prend une toute autre dimension. Celle d'une lutte à mort, sans autre revendication que le "à soi". Comment se forger un véritable vivre ensemble, même ultra-minoritaire, dans une société totalitaire ? Julia m'a parlé l'autre jour des soirées funk interdites sous Pinochet. On a vu ou lu les fêtes iraniennes (Satrapi mais aussi le merveilleux Sang et or). Ces gens qui dansent au péril de leur vie. Ces actes de résistances qui ne sont que des actes de vie. Niveau artistique, ça n'est souvent qu'une importation des productions de l'occident, conditions de survie obligent. Niveau engagement, c'est inédit sous nos lattitudes.
Nombreux punks de la DDR ont fait de la prison. les interrogatoires musclés à la Stasi étaient monnaie courante. Tous étaient fichés. Les Swing-jungen (une découverte fascinante, j'en reparlerai plus longuement) sous Hitler ont pour beaucoup fini dans des camps. Les deux, et je soupçonne la même chose des jeunes fêtards funks du Chili, s'opposaient au régime sans la moindre volonté de rejoindre ses opposants "en lutte". Ils s'opposaient sans faire de "politique", juste en prenant du bon temps, en tissant du vivre ensemble. Les fêtards chiliens et les punks allemand sont des résistants sans armes. Leur opposition est une pure affirmation de vie dans un environnement mortifère. Aucun débat n'est possible avec la terreur, il faut la subvertir, même pour une heure, une nuit, un moment. Une TAZ de survie.

15 octobre 2007

 

Paris Summer

Lee Hazlewood et Nancy Sinatra "Paris Summer". Déjà ma cinquième écoute de la journée, et ça n'est qu'un début.

Sublime journée d'automne, souvenirs amoureux en pagaille. C'est aussi ça le "Paris summer".


Je vous laisse avec Lee et Nancy


J'y retourne.

14 octobre 2007

 

L'index

En Allemagne il existe un bureau officiel de censure d'état, le "Bundesprufstelle fur jugendgefahrdende Medien" dont on peut se procurer, si ce n'est les décisions de censures (qui ne sont pas rendues publiques pour ne pas faire de publicité aux oeuvres blacklistées)au moins la liste des oeuvres passées à la trappe.

On y trouve sans surprise des nazillons, un peu de blackmetal incestueux et/ou canibale, quelques rappeurs homophobes et/ou mysogines (notons Aggro Berlin, dont on peut écouter sur You Tube quelques chansons. Ca n'est pas fameux mais c'est bon pour progresser en allemand. "Wer hat immer noch sein Schwanz in deinem Loch ?" ).

Plus génant, la présence de Atari Teenage Riot et de son album "The future of war" de 1997. D'abord parce que la censure (interdiction de la vente aux mineurs, de diffusion radio et télé) est tombée 5 ans après la sortie de l'album (plus de 500 000 copies vendues)... Ensuite parce que les raisons de la mise à l'index, inconstitutionnalité supposée de la chanson "Deutschland has got to die" (peut-on légalement souhaiter la mort de son pays ?) et possible influence néfaste ("desorientieren") d'un "protestmix synthétique" "sans aucune idéologie", me semblent assez floues pour élargir à à peu près n'importe quoi le champ des oeuvres illégales. Enfin parceque la saisine de l'organisme venait d'une organisation de jeunesse de Bavière, ce qui a quand même des relents nauséabonds.

Alec Empire est une victime d'autant plus surprenante que sa musique, "bête comme la bêtise" comme disait Morvan Boury dans une merveilleuse chronique pour le défunt Octopus, est dirigée vers l'ennemi commun des démocrates les plus mous et des gauchistes les plus radicaux : les néo-nazis. Ca ne fait certainement pas de Alec Empire un musicien intellectuellement subversif. Mais, et là je crois réside le fond de la question, son travail est une pure incitation au "riot", sans aucun second degré, ni la moindre finesse. Ce genre de musique ou tout de la production au design est fait pour faire peur au "bourgeois". Il est assez incroyable ça ait pu si bien fonctionner. En 2002 ! C'est en fait une sorte d'achèvement. J'ai pu recopier une partie du texte de cette décision de censure à une exposition samedi dernier. J'aimerai me le procurer en entier. Il pourrait être cité intégralement dans mon Berliner Projekt sans commentaire ou altération. Personne ne pourrait mieux parler de ce disque.

Je colle une vidéo pour l'ambiance.

11 octobre 2007

 

La moustache

Avons-eu en cours d'Allemand un de ces débats tarte-à-la-crème, attendu et passionnant à la fois. Le mariage. On a envie d'y coller deux r comme dans erreur. "a mutual misunderstanding" disait Oscar Wilde je crois... Mais l'heure n'était pas tellement à l'ironie. Trois coréens, deux chinois, deux camerounais (dont un spécimen interessant de "camerounais sarkozyste" et autoproclamé "bon noir" dont il faudra que je reparle un jour), une érythréenne, un libanais et quelques occidentaux, sur un sujet comme le mariage ne peuvent que constater leurs désaccords.
C'est là que j'ai appris, au détour d'une conversation, jetté négligemment comme on laisse tomber son mouchoir, celui où l'on a brodé "RAUS !" en lettres gothiques, que ma professeur d'allemand, Suzanne (ce prénom était de toute façon absolument un NOGO pour des raisons psychanalytiques que j'aurais bien volontiers outrepassées), Suzanne sa brune mèche longue qu'elle remonte d'un geste doux, son visage lumineux, sa façon de lire comme une actrice shakespearienne, ses mimiques hilarantes et sa timidité paradoxale, Suzanne et ses éternelles doc marteens (ce qui devrait être interdit passés les 28 ans mais exerce pourtant parfois chez moi une attirance coupable), Suzanne et ses petits regards en coins, ses rémanences du corps (je me garderai d'expliquer aux malotrus ce que j'entends par là), Suzanne et cette fontaine de petits riens que nous partagions (notez le "i" du désespoir !), qu'en allemand on décrit assez simplement par l'universel "flirt", Suzanne donc, vivait "maritalement" depuis 12 ans et avait un enfant.

Oui je sais, c'est honteux.

08 octobre 2007

 

Une cotone traduction - Eine Kotonische Ubersetzung

Mes recherches sur Edmund Meisel touchent à leur fin. Me reste plus qu'à écrire quelques pages, les premières de mon Berliner Projekt. Suis ravi de cette "rencontre" avec Meisel, musicien exalté qui baigne dans son époque. On y reviendra.
Me reste aussi à traduire quelques-unes de ses citations. C'est du costaud après un malheureux mois d'allemand...

"Neuzeitliche Muzik für die Masse !

Fort mit der überlebten, bürgerlichen, spitzfindig konstruierten, nur für das Individuum geschriebenen Musik!

Den Massen eine Lautbarmachung der geschehnnisse im Geiste der jüngen Zeit !
"

La première phrase est facile, la seconde jouable. Grosso modo :

"La musique des temps nouveaux pour les masses !" (La ou Une ?)

La seconde pose un problème avec "spitzfindig". littéralement "pointu- futé""Malin" mais dans le mauvais sens du terme m'ont dit mes kolleguen au studio. Parfois aussi utilisé comme pénible. Ou artificiel. où un mélange des trois. J'ai pour le moment choisi sophistiquée mais il va falloir que je trouve mieux, plus négativement connoté. On notera que Fort veut plutôt dire "c'est fini" (d'où le so-fort, "tout de suite", -c'est-déjà-fini) que "finissons-en" qui implique un acte pour en finir. Mais le ton du texte donne la clef. Il s'agit ni plus ni moins de jetter la vieille musique aux rebus de l'histoire, d'enfin composer pour les masses, pour la révolution, pour l'homme dans son acception collective.

Finissons-en avec les musiques rabachées (über-lebten : déjà passées, trop vécues), les musiques bourgeoises, les musiques sophistiquées, les musiques écrites pour les seuls individus !

Jusque là grosso-modo je crois m'en sortir à peu près. C'est maintenant que surgit la vraie difficulté :

Den Massen eine Lautbarmachung der geschehnnisse im Geiste der jüngen Zeit !

Pas de verbe dans cette phrase comme dans les précédentes. Il faut, je crois, prendre le Den Massen comme le "Dem Deutschen Volk" écrit sur le Reichtag, "au peuple allemand".

Ce qui nous donne "aux masses...." ou "pour les masses...."

C'est là que ça devient vraiment coton

eine Lautbarmachung : Ca n'est pas un mot allemand mais une construction de deux mots + un suffixe. Ils adorent ça les bosches. Laut (fort, bruit, éventuellement clameur, notion à la fois de bruit et de message, de cri peut être), bar : suffixe qui rend possible la chose qui fait qu'on la vit en ce moment, "organis-able" : wunder-bar : merveill-eux.

machung : fabrication.

reste de la phrase "der geschehnisse im Geiste der jüngen Zeit"
der geschehnisse : l'événement. Im Geiste ... "dans l'esprit des temps nouveaux" (littéralement, des "jeunes temps" mais "temps nouveaux" sonne mieux à mes oreilles).

eine lautbarmachung der Geschehnusse est une seule brique de la phrase, son objet :

Aux masses, "une fabrication bruyante de l'événement", dans l'esprit des temps nouveaux !
Bien entendu ça sonne assez mal, ça "klingt schlecht"
-> ou : aux masses la clameur de l'événement !
-> ou : aux masses (nous) scander(ons) l'événement !

je reste sur la clameur pour le moment, en attendant de faire mieux

"Aux masses, la clameur de l'événement, dans l'esprit des temps nouveaux !"


récapitulons :

La musique des temps nouveaux pour les masses !
(Aux masses, donnons la musique des temps nouveaux !)
Finissons-en avec les musiques rabachées, les musiques bourgeoises, les musiques sophistiquées, les musiques écrites pour les seuls individus !
Aux masses, la clameur de l'événement, dans l'esprit des temps nouveaux !"


Bref, une belle occasion d'aller voir ma prof d'allemand à la fin du cours. Im-pa-rable.

07 octobre 2007

 

Panorama (du Panorama) Bar


Samedi soir fût une soirée faste. Typiquement berlinoise à part pour l'apéritif. Notre fine équipe, JB (un de mes collègues d'atelier qui est en train de devenir un ami) et son pote Niels, sommes partis voir le match.Trouver du Rugby à Berlin ? Au café Peugeot, quelle drôle d'idée, de l'Unter den Linden. Ambiance franchouillarde et mâle, bien sûr. La victoire à l'arrach' nous a mis dans une euphorie aussi délicieuse que stupide, un état de surprise béate qui perdurait bien après le match. Il y a quelque chose d'étrange dans ce patriotisme là, nous le rejetons tous intellectuellement mais lui laissons la bride dans les grandes occasions. Patriotisme, héroïsme, quelque chose de viscéral et d'assez inavouable, d'idéologiquement archi-douteux.
La dose de plaisir sportif d'hier était bien supérieure à la moyenne. La résistance des dernières minutes absolument épique...

Avons été fêter ça avec Wade, un australien ("If New Zealand wins after England did, would be the worst day of my life") rencontré sur place. Retour à Kreuzberg. Longs trajets en vélo auxquels je commence à m'habituer. Club 49 et son ambiance en lumières rouges, sa déco à la fois cheap et très travaillée, comme souvent ici, design à peu de frais, qui fonctionne, lumières qui laissent un grand choix d'ombres autour de vous. Le jeu de la nuit est une partie de cache cache.
Le club 49 me fait furieusement penser à une version un poil plus cosy du Politburo à Paris (No offense, mister T), sauf qu'ici ça ne ferme jamais... Nous restons au bar et bavassons gaiement.

L'alcool aidant, le temps se distend. Mais ça n'est qu'un début. Nous quittons l'endroit vers 3h30 pour rejoindre le Panorama Bar à Ostbahnof... Un "nous" réduit à JB et moi.
Longue file d'attente comme je n'en avait pas connu depuis longtemps, la grande époque raveuse, puis entrée dans l'immense matrice du club. Bâtiment de type entrepôt à l'architecture années 20 ou 30, nazie ou communiste, je n'en sais trop rien. Disons plutôt : "bâtiment de type entrepot à l'architecture qui ne plaisante pas".
L'intérieur est impressionnant. Cathédrale de béton, il n'y a pas d'autre mot même si c'est un putain de cliché... Le bâtiment est un cube vide, avec un plafond à peut-être 20 mètres du sol. Le son est d'une lourdeur extrême, presque aussi palpable, aussi solide que les murs... les allemands n'ont aucune notion de "niveau légal" (de niveau létal faudrait-il plutôt dire)...
Des lieux comme ca, avec ses vitres de huit mètres de haut au bas mot qui tremblent sous l'avalanche des basses, son acoustique totalement impropre à toute idée de sonorisation, ses coursives bétonnées. Ce genre d'endroits. Voilà pourquoi Berlin ne décroche pas de la techno. Impossible de penser ici un concert rock, une fête disco, ni rien qui puisse tenter de divertir du spectacle du lieu. Toute tentative d'y jouer autre chose que cette "minimale" allemande sans aucune fioriture, irait se cogner sur la réalité de l'espace, son gigantisme fonctionnel (un opéra, ,un "spectacle multimédia", une "expo d'art contemporain", tous ces machins pourraient faire illusion un moment, mais jamais habiter le lieu).
Je me sens à la maison. J'aime toujours autant cette ambiance rave (c'est fou comme le mot sonne vieux et délabré maintenant, vintage pour un peu, rangé au cimetière de la culture populaire, avec Betty Page, Gene Vincent, Led Zeppelin et Buck Danny) même si les occasions se font pour moi de plus en plus rares.

Nous sommes happés par le vortex des lumières colorées et basses, l'infinie répétitions des figures des corps autour de nous, la paradoxale sensation de silence au sein de l'immense matière sonique.
Les deux gros "dance-floors" (sur ce vocable jargonant, voir la parenthèse précédente) sont pleins. Trajectoires complexes des centaines de guignols qui sont tout à leurs épopées personnelles, occupant plus ou moins un simple cercle de décence, un demi-mètre carré autour de leurs pieds, leur espace intime. On voit les conversations autour de soi plutôt qu'on ne les entend, ou alors à peine un murmure dans le flow...

L'herbe que nous avons fumé aidant je pars dans mes constructions mentales personnelles... je m'offre une analyse live de mon environnement.
Je pense au concept de durée de Bergson (que j'ai croisé au mois de septembre pour raisons professionnelles et qui m'a beaucoup intrigué, marqué) : la perception du temps en continu (plutôt que comme intervalle entre deux événements). Quelques mots-valises comme "perception du rythme des choses", "l'être comme processus plutôt que comme produit"... Le continuum plutôt que l'événement. Le flot continu du changement. Tout n'est qu'une question de vitesses, d'accélérations et de ralentissement, de respirations. Cesser de voir le temps comme une succession de "choses" ou d'événements qui se passent, mais insister seulement sur le "se passe". Ça se passe.

La musique nous révèle la durée Bergsonienne. Elle la matérialise en ondes et en présence. C'est pourquoi on ne doit pas pouvoir différencier vraiment une phase d'une autre. Un morceau d'un autre. Ne surtout pas raconter d'histoires. Ne surtout pas donner de prise à l'événement... Laisser courir le continuum.
D'où le 4/4 et la bêtise métronomique. D'où l'invraissemblable équalisation (égalisation ?) terroriste, ces basses sur-remontées et sur-compressées (au limite du supportable physiquement) qui sont comme un tapis, qui soutiennent sans jamais s'interompre. Ces claques rythmiques très très aigues, microcoupures, mini-segmentations qui tissent cette continuité. C'est aussi à ça que sert le stroboscope. Révéler la durée, le flux, avec ce geste paradoxal de la coupure. Noir blanc noir blanc. La matière-son. Elle est partout. En viscosité et en coulures. En strates mouvantes.

L'ivresse du continuum force les corps. Dansons tous les deux l'air satisfait. Passons trois heures sans beaucoup parler. Rencontrons une ou deux têtes connues (dont une française de mon cour d'allemand que je vois sous un autre jour. Sensation réciproque je crois). Mon corps célibataire suit des yeux certaines de ces créatures qui surgissent de l'ombre et lumière avec cette incroyable grâce... l'idée de draguer m'est étrangère. C'est surtout au petit matin, aux afters, que se nouent et dénouent les histoires de fesses, que les atomes se font molécules... ailleurs, dans la continuité ralentie de la "grosse fête", dans les satellites du vaisseau amiral, les clubs de taille plus humaine (Au bar 25, ça dure jusqu'au mardi pour ceux qui n'ont vraiment pas de vie).

Le sommeil nous prend à tour de rôle, insidieusement, notre conscience se fait la malle sans jamais que le son ne nous quitte, je pique du nez, quelques rêves me brouillent un peu plus la vue. Les corps sont fatigués. Nous décidons de mettre les bouts. Dehors il fait jour. Se révèle un paysage tout à fait solidaire du lieu et de l'humeur*.


Une lande de béton en bord de Spree avec ses anciens docks, les herbes folles y grignotent le ciment. Les enseignes des différentes entreprises de logistique brillent mais n'éclairent plus rien, la lumière rose et jaune du jeune jour rase les forêts de grillages, de câbles et de piliers qui longent la rivière. Au loin, la grosse boule de la Fernsehturm flamboie littéralement, d'un argenté qui va passer à l'or. Sur nos vélos nous passons le pont sur la Spree dans un silence enchanté.
Retour à Kreuzberg. Coucher vers 8h30, et moi qui ait à faire aujourd'hui...




* "ouaaaa man, tout est trop à sa place" disaient les personnages du film des Inconnus (qui visiblement ont pratiqué les années 90 avec une certaine assiduité).

05 octobre 2007

 

Spontaneous Masterpiece

A la fin je lui ai dit que j'étais à Berlin. Que le ciel y était blanc comme les yeux vitreux d'un cadavre, la lumière aussi uniforme que le mur lépreux d'une prison albanaise.
Ne cherchez pas l'indefinissable qui fait que l'on aime quand même la ville, au point de se dire qu'il est trop tard, qu'on ne rentrera jamais !
Elle m'a demandé, bien sûr, si le sport national était le pogrom, et le salut hitlerien la plus délicieuse des mondanités. Je lui ai dit que non, que sur ce plan Berlin avait probablement beaucoup baissé.
Elle m'a dit "Le monde n'est qu'une pâle copie de lui même".
Elle a ajouté, je crois, le mot "putain".
"putain, le monde n'est qu'une pâle copie de lui même".

Il est difficile d'assimiler un tel bloc de vérité en une nanoseconde, le temps qu'elle traverse le cyberespace et se présente à vous nue, pure comme le monde ne le sera justement jamais. Elle vous coupe les jambes comme un parpin de 4 tonnes sur la voie de gauche d'une autoroute.
Le monde n'est....
Nom de dieu oui. C'est exactement ça. Platon n'était pas nazi pourtant, il n'avait pas sa carte.
Le monde n'est qu'une pâle copie de lui même.
Foutre fichtre, quelle beauté.

01 octobre 2007

 

$$$****

C'était à coté du petit vendeur de bières/tabac ecke Litznieger et Wiener Strasse... il faut voir cet endroit. Nous sommes à 10 mètres du parc de Gorlitzer et la rue hésite comme un pendule entre bourgeoisie allemande néo-bohème, population turque et allemands de "basse extraction" ("bass extraction" ?). Des immeubles anciens et bourgeois au parquet épais, des bâtiments années 80 au béton gris noir. Entre deux punks à anneaux dans le nez, deux jolies branchées à vélo et quelques mômes qui jouent au foot sur le trottoir (et sous la pluie), des bosches au regard lavasse et aux cheveux filaires qui se saoulent dans et devant le Kneippe. Ils portent des décénies de vie difficile sur leurs épaules, des cernes noirs comme la fumée des usines qui ne tournent plus, des peaux frippées comme du papier à cigarette oublié dans une poche, des corps tordus par une vie où l'on ne se repose jamais.
Et puis trois clodos, dos au mur, bouteilles à la main. Elle imite la nage avec ses bras en soufflant dans une eau imaginaire, l'autre rit, incapable de prononcer un mot, les sombres trous de sa dentition qui me sautent au visage. Le gars chauve s'enfile une longue longue goulée de sa Berliner Pils. Il parle longuement d'un air sentencieux puis fait silence autour de lui. J'entends alors distinctement

"isst mein Schwanz*"

Et tout le monde de rire de plus belle, accent canaille garanti. Je passe mon chemin, notant avec fierté comme j'ai progressé un un mois.



* "bouffe ma bîte" me semble une meilleure traduction que le (désopilant) "ma queue mange" de Google Trad.

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