11 avril 2013

 

le miracle est dans la question


J'ai vu Stalker de Tarkovski. Je suis tout tourneboulé. Je vais vous le résumer en 6 mots : le miracle est dans la question.

Jamais dans la réponse. Déshabiller l'univers c'est le perdre. Ni la raison ("professor"), ni la foi ("stalker"), ni l'esthétique ("writer") n'ont de prise sur le monde. Aucun protagoniste ne trouve dans la "Zone" ce qu'il est venu chercher. La zone est humide et la "chambre" finale sensée donner réalité aux désirs les plus intimes. Les trois hommes ces impuissants refusent finalement d'y pénétrer. Ils ont peur de s'y dissoudre. Ils échouent sur le seuil.  On ne sait jamais si la "zone" est vraiment dangereuse où si c'est la peur du danger qui l'est (la zone cherche-t-elle vraiment à les repousser ?). On ne sait pas non plus si l'on observe un monde ou la vision d'un monde (la caméra ne va pas nous faire le cadeau d'un regard "objectif" qui surplomberait la vision des trois acteurs. le seul regard extérieur que j'ai trouvé, c'est le mien...). On ne sait donc pas si ces rumeurs de miracles ont une quelconque réalité... mais cela ne change finalement rien. Le miracle existe pourtant. L'infini renouvellement du mystère.
C'est entrer dans le labyrinthe qui fait le miracle, pas le fait de parvenir à tuer le Minotaure et d'en ressortir "sain et sauf. Seule l'infinie épaisseur du réel est infinie. la science/raison tue l'esprit bien plus qu'elle ne tue dieu : le monde disparaît un peu plus à chaque fois qu'on l'éclaire. mais tout s'épaissit toujours pour celui qui sait voir. les lois du monde sont liquides. prégnantes, insaisissables (le monde est une femme).
La beauté ravageuse du mystère, elle est là la poésie : le poisson qui nage au dessus du carrelage dans dix centimètre d'eau bientôt caché par un nuage d'encre. dissipation, disparition comme seule et unique révélation (l'acousmatique de Tarkovski : cette magnifique musique/bande son humide nimbée de réverbération, ces sons qu'on entend sans jamais voir d'où ils viennent). L'infini de l'in-su ne fait que grandir. Seul l'incertain foisonne. Il n'y a de miracle que dans la capacité à se poser la question (la quête spirituelle). et de désastre que dans la formulation figée de la réponse.
Putain de film.


PS oui... je ne donne pas de nouvelles pendant trois mois et je débarque avec mes élucubrations sur un film de trois heures d'un cinéaste soviétique mort... Ma vie d'ici bas vaudra la peine d'être racontée d'ici peu quand j'aurai franchi un ou deux cap de finition de certains objets retors sur lesquels je travaille depuis quelques temps. Amen.

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