29 mai 2012

 

Toa Toa mon Toa


Trouvé avant-hier aux puces de Treptow pour une somme modique une table de mixage japonaise années 80 de la marque Toa. Je compte l'utiliser en No Input comme on dit chez les gens qui ont du vocabulaire. C'est à dire en branchant ses sorties à ses entrées. Et en modulant avec les potards le larsen qui en ressort. Testé hier, ça dégage. Le vieux module d'écho a un son affreusement boueux, mais le reste sonne bien. Un peu comme un accident de concorde soufflé par un Sirroco sur Ganymède, tu vois.

25 mai 2012

 

ai(11)


ai pris l'avion quatre fois pour atteindre Bucarest et en revenir. Via Istanbul. Avec des heures et des heures perdues à l'aéroport. Joies de la mondialisation. Ai eu le temps du coup de régénérer un peu de ma nostalgie ottomane (le chocolat aux amandes et la vision des bus pour Kadikoy m'a déjà donné le frisson) et de progresser dans ma lecture du fleuvissime Les 7 pilliers de la sagesse de T E Lawrence, l'agent anglais qui a mené la révolte arabe contre… l'empire ottoman dans la région du Hejaz entre 1916 et 1918. C'est un livre prodigieux, je n'ai pas d'autre mot. Il est lent et long comme le désert (950 pages bien serrées) aussi je prends mon temps. Il parait (wikipédia) que le général Giap, celui qui a mis une grosse fessée à la France à Dien Bien Phu en 54, le considérait comme l'ultime manuel de Guerilla. C'est aussi un manuel de créolisme, de labilitié culturelle. S'y retrouve cette tentative forcément impossible de se fondre dans une culture tout à fait étrangère. La même aporie qui m'a saisi à la lecture du Livre de la jamaïque de Russel Banks. Du coup je vais me refaire le film, Lawrence d'Arabie, qui doit bien sûr être un sacré morceau hollywoodien kikitsch et totalement rater son vrai sujet.

ai peu vu Bucarest. Nous sommes restés à la campagne. Bucarest est un hallucinant enchaînement de platenbau (préfab' en allemand) tous plus décatis les uns des autres, flanqués ci et là de souvenirs d'une ville que le Conducator a voulu éradiquer, pas mal d'immeubles hausmanniens et divers vestiges autant roumaisn que austro-hongrois, byzantins… Mais c'est cette massive ridiculissimité du massacre en forme de cage à lapin qui force la trouille. La ville n'en dégage pas moins de bonnes vibes, peut être le printemps n'y est-il pas pour rien. Et le palais jamais fini du conducator réussit l'exploit insigne, malgré sa taille de "plus grand building du monde", de ne pas être intéressant à regarder.

ai pris dans ma face une semaine si intense de bombardements conceptuels et/ou sonores divers que je ne sais pas si je vais m'en relever. MEs petites théories du chaos musical s'en trouvent renforcées en un sens, mais aussi, la foutue médiocrité de mes propres productions comme de pas mal de choses qui m'entourent me saute maintenant aux yeux avec une véhémence cruelle, la vérité nue m'agresse comme ces méga-sangsue d'acturus qui décapitent leurs victimes avant de fuir avec leur vaisseau spacial (42). Le vieux musicien et sa compagne de couche et d'orchestre et de partition m'ont beaucoup donné, et j'espère que je saurais faire quelque chose avec tout ça. Leur amitié est directe, totale, sentimentale et exigeante (slave ?). Surtout si elle est arrosée. J'en fus parfois presque effrayé. Mais avoir trouvé une telle connection intellectuelle et tant de possibilités (un livre d'entretien probablement, mais aussi de la musique et peut-être d'autres choses encore) par le biais d'un seul malheureux article sur un de leurs concerts m'a aussi en même temps comme renforcé dans mon errance. Le chemin est biscornu, il est même totalement embrouillé les zamis, mais c'est le bon… j'y reviendrai, évidemment, j'ai pas le choix.

ai réussi à passer quelques heures à Brasov, en TRANSYLVANIE. AI SURVECU A LA TOMBEE DE LA NUIT quand les goules raclaient de leur griffes verdâtres la terre pleine du sang des nouveaux-nés que de jeunes mères en pleurs venaient offrir aux immortels maîtres des montagnes baignées en permanence par l'humidité glacée de la forêt aux arbres noirs colossaux. Les monstres venus d'éons oubliés étaient partout, usines électrotechniques mousseuses au toit crevé par les branches des arbres vaillants qui y ont pris racine, femmes en veste en peau de mouton avec un fichu sur la tête qui conduisent une vache avec un bâton, gros SUV noirs avec des gars bodybuildés qui écoutent de la techno-pittbull derrière des vitres fumées, mangeurs de glace à la vanille qui profitaient du soleil sur la place principale de la grande ville en tenant leur partenaire par la main et en morigénant un peu des bambins qui comme toujours avec les bambins se prenaient pour les rois du monde.

(en illustration "le songe de la raison produit des monstres", de Goya. Qui me semble particulièrement adapté à la situation économique/industrielle actuelle. "le songe du rationalisme économique suce le sang du peuple en lui faisant un bras d'honneur", serait pas mal non plus comme titre, mais moins profond, plus conjoncturel comme on dit)

17 mai 2012

 

Off to Romania


Je pars ce soir, via Istanbul, pas été foutu de trouver un vol direct. Je vais y réaliser un reportage in situ à la découverte d'un rare (d'un unique) fauve roumain : le spectralitus musiqindus. On peut entendre son étrange babil dans ce document rare lui aussi pris dans son environnement naturel :



Histoire de relever le niveau de LOL et de jouer le contraste d'une planète aux infinies nuances, je vous laisse aussi avec cette vidéo de Die Antwoord reçue ce matin.



Retour le 24.

16 mai 2012

 

ai (10)


ai quelques flottements de police de caractère à cause de la fuckin kafkaienne nouvelle interface de blogger.

ai pas une vie d'aventurier. Plongé dans l'amusique, quelques dîners avec les amis, des apéros quand il fait beau. JB avec son air sage et juvénile n'est pourtant jamais le dernier pour l'apéro, et toujours le premier pour sa continuation ad-noctum-eternam. R. qui s'est ajouté à la petite bande, est aussi un agent attracteur des forces centripètes de la dérive. J. qui se remettait d'une rupture douloureuse était aussi des notres ces temps-ci. Berlin ville des remises sur pied post ruptures atroces et/ou post flottements existentiels. J. a finalement été pris en résidence à Paris. Juste quand il commençait à trouver ici ce qu'il était venu chercher (l'air). Samedi, nous avons fini - mais pas trop tard, je résiste en ce moment au "trop" de tentation - dans un bar branché de Mitte, à boire des kölsch en devisant de ce genre de choses immenses qu'on oublie le lendemain. Sa façon raffinée de ne jamais être à sa place nulle part, mais toujours dans le bon débat nous manquera beaucoup. C'est ainsi, l'expatrié passe son temps à faire des pots de départs. La mélancolie menace et des mesures d'austérité sévères doivent être prise pour ne point sombrer dans une pesante sentimentalité (pas toujours couronnées de succès).

ai revu S. qui a voyagé deux mois en Asie et en Amérique. Pendant le repas elle n'était que récits de voyage et anecdotes fumantes (en Chine les anecdotes sont visiblement souvent fumantes). Au bar à la deuxième vodka elle pleurait d'un coup pour une amie atteinte d'un cancer. L'avion et son élévation, les nuages, la lumière au dessus d'eux, les continents et les océans en dessous, lui avaient je crois fait réaliser à plein notre saloperie de finitude.

ai, à propos de musique collectiviste, écouté la reconstruction de la Symphonie des sirènes de Avraamov, telle qu'elle a été donnée à Baku en 1922. Extrait des notes du CD traduit par ma pomme : Le plus élaboré et le plus impressionnant de ces concerts fut donné le 7 novembre 1922 dans le port de Baku en Azerbaidjan. Avraamov travailla avec des choeurs comprenant des milliers de chanteurs, les cornes de brume de la totalité de la flotte caspienne, deux batteries d'artillerie, plusieurs régiments d'infanteries, des hydravions, vingt-cinq locomotives à vapeur et sifflets ainsi que la totalité des sirènes d'usine de la ville. Il inventa même des instruments portables qu'il nomma "Sifflets vapeurs", un ensemble de vingt à vingt-cinq sirènes accordées aux notes de l'Internationale. Il dirigea la symphonie lui-même depuis une tour fabriquée pour l'occasion, en utilisant des drapeaux de signalisation dirigés simultanément vers la flotte des pétroliers, les trains en gare, l'arsenal du port, les véhicules de transport et les choeurs de travailleurs. Avraamov ne voulait pas de spectateurs, mais il attendait de chacun une participation active dans le développement de l'oeuvre, en chantant ou en s'exclamant, tous unis derrière la même volonté révolutionnaire". Selon une théorie dissidente mais intéressante, avraamov un anarchiste passé avec les communistes, à créé cette pièce pour justement dénoncer par sa propagande furieusement exagérée les dangers du collectivisme naissant. Avraamov aurait vu venir le désastre stalinien et l'aurait comme exposé en musique. Et les gens, ces veaux, n'y ont vu que du feu. Cette interprétation donne un peu plus de crédit à ce machin merveilleux mais indiscutablement boursoufflé à mort. Le CD est chez Sub-Rosa. A écouter ici si vous avez une IP non allemande :
http://www.youtube.com/watch?v=Kq_7w9RHvpQ

ai lu et aimé René Crevel, enfin juste quelques pages de son Babylone. – Qu’est-ce que la mort, qu’est-ce qu’une putain ? – La leçon est finie, ma chérie. – Mais tu ne m’as pas répondu. – Va t’amuser. Dis à ta bonne qu’elle te donne ton goûter. Le genre de livre maintenant un peu désuet où l'église et les bonnes moeurs font figures d'ennemis de la vraie vie. La belle époque*. Je ne le finirai probablement jamais, il faut être honnête avec soi-même parfois. Mais il me semblait bourgeoisement bien de le posséder dans ma bibliothèque. Ce genre d'achat en mode "possession - hommage" où l'on se caresse le karma littéraire en se touchant les tétons culturels devant la glace. Je pense toujours au pauvre Edmond Choupard d'Adèle et la bête (ou Momies en folies?)qui passe devant le Louvre... "la présence des oeuvres séculaires réchauffait le coeur du bourgeois adipeux épris de culture". Il meurt vite le pauvre Edmond, d'un infarctus bien mérité.

* Il semblerait qu'en Russie, la belle époque soit maintenant. Voir les Pussy Riot à l'église en train de chanter "vierge marie sois féministe, débarrasse nous de Poutine" vaut son pesant de cacahuettes. C'est qu'à moitié drôle, elles risquent 7 ans de prison pour vandalisme

ai écrit pour Mouvement une petite chronique de High Blues, le très beau disque des français Astrïd, sorti chez Rune Grammofon, s'cusez du peu. Je vais pas vous remettre ici le texte de ma chronique. Astrïd fait dans le genre ambiant avec de vrais instruments, doux et recherché, et raffiné de la mort. Je l'écoute en boucle, Astrïd. Vous devriez tous en faire autant.

ai revu le Parrain III qui est un tas de fumier puant. Mais l'évocation de la thèse du meurtre de Jean-Paul Ier m'a amené à écouter un vieux Rendez-vous avec monsieur X sur le sujet. Le pape assassiné ? Les traces du complot sont partout. Le banquier suisse pendu à un pont londonien, le journaliste italien (aux révélations fracassantes sur les brebis gâleuses du vatican) assassiné par la mafia... Le crime profite à l'ancien administrateur de la banque du vatican, que JPI voulait virer pour malversation, et que JPII va finalement garder (malgré une demande d'extradition de la maréchaussée italienne). Au bout du compte la version "complotiste" s'avère bien plus plausible que la version officielle "il est mort dans son lit il était très malade" (ce que dément son médecin personnel. le monsieur avait 66 ans). Fascinant.

07 mai 2012

 

ai (9)


ai été écouter Simon Reynolds au Hebel-am-Ufer, l'auteur de Rip it up and start again, de Retromania, de Energy Flash... le pape de l'écriture sur la musique dite "populaire" , invité à un festival "Apocalypse now and then" sur la notion d'apocalypse dans la musique pop moderne ! Simon Reynolds je me l'imaginais genre brun à lunette carrée de journaliste cinéma avec un air juvénile d'ado éternel. Super-bingo. Des baskets aux lunettes carrées, il est exactement comme il doit l'être. Mais un air juvénile à ce point je ne m'y attendais pas... on lui donnerait 28 ans, et même de près. Il en a 51. Lui ai passé un Berlin Sampler, évidemment. A ce festival toute une conférence sur Current 93, le renouveau folk-music anglais et le délire mystico-eschatologique de David Tibet sur l'apocalypse selon oui-oui (oui...). Voir ses musiques de jeunesses devenir des sujets d'investigations universitaires, ah c'est peut-être ça de vieillir... Ensuite nous avons pu voir Kode Nine reprendre à sa sauce La jetée de Chris Marker, avec un résultat que je qualifierai pour le moins de douteux. Puis un super groupe noise de la mort avec l'inévitable Stephen O Malley de Sun O, Aethenor. Pas génial génial les gars. 

ai été voir Monteverdi, enfin pas lui mais sa musique, au dernier étage du Radial system, avec la grande baie vitrée qui donne vue sur la Spree, le public alllongé sur des matelas de gym, pour une séance d'écoute d'une sélection prise dans son répertoire de madrigaux et de chansons. Une organiste avec un orgue à l'ancienne (c'est à dire avec un petit son très mesquin), une joueuse d'un énorme instrument à corde inconnu de moi avec un son tout petit aussi, et deux chanteurs. Les morceaux ?  De petits escaliers de lumières, de petites marches vers le ciel.  De petites envolées. de la pureté pour s'extirper de la vie fuligineuse d'il y a quatre cent ans. On s'offre la légèreté, la finesse. L'artifice. On donne de la valeur à la vie en s'en extirpant, en s'offrant  un temps de dialogue avec les étoiles. On se prouve que l'homme peut transcender sa contingence. Je pensais à cela en m'assoupissant sur ces vieilles beautés. Je pensais à l'homme de ces temps  dont la vie était pleine de la mort. Et la mort comme une force extérieure qui frappait, un destin. Et l'art bien ordonné qui offrait ce petit marche pied, cette transcendance. Et je me disais que la musique "classique" qui est survenue après aux 18e et 19e a franchi un cap, elle ne prône plus de s'échapper mais de dominer le monde... Et je pensais à l'homme d'aujourd'hui, qui porte la mort, qui donne la mort autour de lui. Qui est le faucheur, même involontaire. Qui répand  autour de lui la mort qui lui colle de partout....  l'homme d'aujourd'hui qui est lui même devenu le fléau... Evidemment qu'il ne peut plus faire la même musique. Il doit peut-être trouver un moyen de redonner la vie. Il doit alors intégrer à sa musique la contingence et la décomposition. Re-semer. Il doit choisir le son qui est matière fuyante et boueuse devant la musique qui  architecture invisible, immuable et intouchable. Il doit faire dans l'autre sens un marchepied vers le réel, vers la contingence, vers les joies de la boue...  oui je pensais vraiment à ça. je l'ai même inscrit dans les pages liminaires du livre que je lis en ce moment comme les idées me venaient et que la musique m'envahissait. J'ai emprunté un crayon papier à L. et j'ai pris des notes, comme un critique de restaurant au restaurant (mais j'ai pas eu de service spécial).

ai envoyé ma lettre de licenciement à Claude G., Henri G., Patrick B, Nicolas S., Jean-françois C. et tous les allumés de la chemisette rose qui leur servent d'amis. Sans indemnités. Vous nous rendrez l'ordinateur et les codes. Non, François F, n'insistez pas, pas la peine de faire un pot de départ. Nous ringards qui nous contentons de moins de 5000 euros par mois avons poussé un ouf de soulagement et même ressenti du bonheur fugace hier soir. Nous étions une vingtaine de français dans un appart berlinois, et j'étais je l'avoue parmi les plus enthousiastes. J'aurais bien aimé être à la Bastille. Ma mère me l'avait scandaleusement interdite en 1981 sous le prétexte fallacieux que je n'avais que dix ans. Et là les forces de l'Exil se mettent en travers de mon chemin. Mais quand même, c'était bon.  Demain s'ra difficile, peut-être, mais hier soir était grand. 

ai été interviewé par David S. pour la revue d'Optical Sound. Optical Sound est le label qui a sorti mon disque d'il y a quatre ans, La ralentie.  Et qui visiblement sort une revue sur "ses" artistes. Il a fallu revenir sur ma "carrière" musicale. Les labels, l'époque où j'écrivais dans Prémonition, Ghostdub, Colder, La ralentie... foutue drôle d'impression que de revenir sur le passé. Pas désagréable, l'introspection. Juste vertigineuse. Je posterai l'interview quand elle sortira. 


02 mai 2012

 

Cœurs électriques


Nous avons veillé toute la nuit mes amis et moi sous des lampes de mosquée dont les coupoles de cuivre aussi ajourées que notre âme avaient pourtant des cœurs électriques.

Filipo Marinetti, Manifeste du futurisme, LE FIGARO*, 20 février 1909




* (LE FI GA RO, je répète : LE FI GA RO)

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