25 mai 2012

 

ai(11)


ai pris l'avion quatre fois pour atteindre Bucarest et en revenir. Via Istanbul. Avec des heures et des heures perdues à l'aéroport. Joies de la mondialisation. Ai eu le temps du coup de régénérer un peu de ma nostalgie ottomane (le chocolat aux amandes et la vision des bus pour Kadikoy m'a déjà donné le frisson) et de progresser dans ma lecture du fleuvissime Les 7 pilliers de la sagesse de T E Lawrence, l'agent anglais qui a mené la révolte arabe contre… l'empire ottoman dans la région du Hejaz entre 1916 et 1918. C'est un livre prodigieux, je n'ai pas d'autre mot. Il est lent et long comme le désert (950 pages bien serrées) aussi je prends mon temps. Il parait (wikipédia) que le général Giap, celui qui a mis une grosse fessée à la France à Dien Bien Phu en 54, le considérait comme l'ultime manuel de Guerilla. C'est aussi un manuel de créolisme, de labilitié culturelle. S'y retrouve cette tentative forcément impossible de se fondre dans une culture tout à fait étrangère. La même aporie qui m'a saisi à la lecture du Livre de la jamaïque de Russel Banks. Du coup je vais me refaire le film, Lawrence d'Arabie, qui doit bien sûr être un sacré morceau hollywoodien kikitsch et totalement rater son vrai sujet.

ai peu vu Bucarest. Nous sommes restés à la campagne. Bucarest est un hallucinant enchaînement de platenbau (préfab' en allemand) tous plus décatis les uns des autres, flanqués ci et là de souvenirs d'une ville que le Conducator a voulu éradiquer, pas mal d'immeubles hausmanniens et divers vestiges autant roumaisn que austro-hongrois, byzantins… Mais c'est cette massive ridiculissimité du massacre en forme de cage à lapin qui force la trouille. La ville n'en dégage pas moins de bonnes vibes, peut être le printemps n'y est-il pas pour rien. Et le palais jamais fini du conducator réussit l'exploit insigne, malgré sa taille de "plus grand building du monde", de ne pas être intéressant à regarder.

ai pris dans ma face une semaine si intense de bombardements conceptuels et/ou sonores divers que je ne sais pas si je vais m'en relever. MEs petites théories du chaos musical s'en trouvent renforcées en un sens, mais aussi, la foutue médiocrité de mes propres productions comme de pas mal de choses qui m'entourent me saute maintenant aux yeux avec une véhémence cruelle, la vérité nue m'agresse comme ces méga-sangsue d'acturus qui décapitent leurs victimes avant de fuir avec leur vaisseau spacial (42). Le vieux musicien et sa compagne de couche et d'orchestre et de partition m'ont beaucoup donné, et j'espère que je saurais faire quelque chose avec tout ça. Leur amitié est directe, totale, sentimentale et exigeante (slave ?). Surtout si elle est arrosée. J'en fus parfois presque effrayé. Mais avoir trouvé une telle connection intellectuelle et tant de possibilités (un livre d'entretien probablement, mais aussi de la musique et peut-être d'autres choses encore) par le biais d'un seul malheureux article sur un de leurs concerts m'a aussi en même temps comme renforcé dans mon errance. Le chemin est biscornu, il est même totalement embrouillé les zamis, mais c'est le bon… j'y reviendrai, évidemment, j'ai pas le choix.

ai réussi à passer quelques heures à Brasov, en TRANSYLVANIE. AI SURVECU A LA TOMBEE DE LA NUIT quand les goules raclaient de leur griffes verdâtres la terre pleine du sang des nouveaux-nés que de jeunes mères en pleurs venaient offrir aux immortels maîtres des montagnes baignées en permanence par l'humidité glacée de la forêt aux arbres noirs colossaux. Les monstres venus d'éons oubliés étaient partout, usines électrotechniques mousseuses au toit crevé par les branches des arbres vaillants qui y ont pris racine, femmes en veste en peau de mouton avec un fichu sur la tête qui conduisent une vache avec un bâton, gros SUV noirs avec des gars bodybuildés qui écoutent de la techno-pittbull derrière des vitres fumées, mangeurs de glace à la vanille qui profitaient du soleil sur la place principale de la grande ville en tenant leur partenaire par la main et en morigénant un peu des bambins qui comme toujours avec les bambins se prenaient pour les rois du monde.

(en illustration "le songe de la raison produit des monstres", de Goya. Qui me semble particulièrement adapté à la situation économique/industrielle actuelle. "le songe du rationalisme économique suce le sang du peuple en lui faisant un bras d'honneur", serait pas mal non plus comme titre, mais moins profond, plus conjoncturel comme on dit)

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