31 mars 2008

 

Bulletin Météorotique, avril 2008

Chers amis, chères amies

La météo vient donc officiellement de passer les 20 degrés aujourd'hui, 20 petits degrés, peut-être 19, mais la décision de déclarer le printemps ouvert n'a pas reçue de protestation sérieuse. Les femmes sont donc encouragées, mais non encore obligées à sortir leur vêtements d'été et à organiser leur déshabillage progressif à partir de maintenant. Deux manifestations spontanées devant le Reichstag ont été signalées. L'une, du "club des hommes-seuls épuisés par l'hiver et épuisés d'avance par l'été à venir", scandait, je cite, "Nous exigeons la nudité des femmes !". La contre-manifestation des "féministes militantes mais pas trop chiantes" a exigé, à titre de contre mesure, une nudité pour tous ou au moins la nudité des hommes. Le club des "hommes-seuls-etc" aurait alors contre-exigé le port de talons à aiguille pour toutes, ce qui a fortement compliqué la situation. Des négociations sont en cours sous la coupole, on les dit très tendues.
C'est mon deuxième mois d'avril à Berlin où je ne vis que depuis 8 mois (pour comprendre cette incroyable affirmation, reportez-vous à mon autobiographie, non encore écrite à ce jour), et je puis affirmer en ma qualité de correspondant maintenant permanent que les règles sont bien suivies, et les ordres, plaisir de l'organisation allemande, sont bien reçus. Le déshabillage général est dans les starting-blocks. Les jupes couinent d'impatience. Les hauts-qui-montrent-le-dos tentent une sortie, on aurait même aperçu quelques tétons pointer sous des tissus légers, mais ce sont des témoignages non confirmés.
Dernière chose, l'Amour a par contre totalement disparu de la ville. D'aucuns disent qu'il se serait réfugié en forêt, d'autres qu'il aurait passé la frontière polonaise. Une interview avec un des grands spécialiste de la question, Herr Frollendo, a donné lieu à cette réponse dont nous vous laissons le loisir de l'interprétation
"Parti au lac. Si je lui met le grapin dessus, je le noie".
Mesdames, messieurs, bonsoir.

26 mars 2008

 

La ralentie


en preview la pochette du tsé. teasing teasing...

14 mars 2008

 

La mort de Berlin

Bonjour,

ici Neukölln. Dans mon atelier dans l'arrière cours d'un bel immeuble de la Weichsel Platz. Un camion-grue est difficilement entré dans la cours. J'assiste en direct à la mort de Berlin. Du Berlin des années d'avant la chute du mur, du Berlin ville de l'agonie. La mort de l'agonie de Berlin en quelque sorte. Il y avait encore un atelier industriel (désaffecté mais encore là), avec ses fenêtres en bois vermoulu où le soleil n'a pas pu traverser la poussière depuis la fin des années 70, les dernières peut-être de tout le quartier. Cet atelier est en cours de réfection totale. Aujourd'hui ils enlèvent les machines, d'énormes pièces de métal qui n'ont plus aucun sens, des carcasses de dinosaures. Ils font sauter ces belles fenêtres décrépies. D'autres designer ou artistes ou branleurs mondialisés vont bientôt venir louer ce Fabriketage.

C'est à la fois triste et joyeux de participer à ce mouvement. Berlin devient une ville normale, et c'est tout de même pas plus mal. Les gens pestent mais construire une ville sur une telle marre de sang demande aussi de savoir oublier, passer à autre chose. D'être un peu américain en quelque sorte.

Et puis nous sommes encore isolés par un fragile cocon de laine de l'affreux monde consumériste. Neukölln est pauvre - au supermarché EDK en bas de la rue les gens se suivent et se ressemblent avec leur peau blanche et parcheminée dés 35 ans, leurs yeux cernés par la rudesse de leur vie, leurs pannier de la ménagère réduit au strict minimumm - un paquet de frites surgelées et 9 bières pour la journée. Neukölln est le dernier endroit en Europe où l'épicier/boulanger/tabac vous sert votre pain EN FUMANT UNE CLOPE. Neukölln est pauvre et parait-il dangereuse (je crois que cette dangerosité est aussi une construction des médias de caniveaux conservateurs qui gouvernent ce pays. Axel Springler le Lagardère local est l'ennemi de tout ce qui ressemble à de la vie : c'est le figmag concentré dans des dizaines de publications quotidiennes qui jouent sur la peur. enfin bon, la chanson est connue).
Et bien sûr cette pauvreté malade, lente, ensablée, figée par la viscosité de la société, surtout allemande, côtoie la démerde bien plus énergique des turcs (qui eux aiment les centre commerciaux et les grosses bagnoles), et laisse un sentiment banlieusard pour employer une notion française. Une périphérie en centre ville. Une périphérie du capitalisme clinquant bio porno chic mondialisé d'un Londres ou d'un Paris.
Kreuzberg, ou je vis, de l'autre côté du canal, est bien plus connectée, bien plus branchée. Mais c'est encore un ilôt autonomiste, ou le monde "alternatif" n'a pas tout à fait cédé le terrain à la yuppification. Il faut comprendre, nous sommes à l'ombre du mur. Et la gauche allemande rejetait communisme et capitalisme comme deux faces d'une même pièce productiviste et aliénante. L'ennemi était la productivité. J'aime le mot "Leistungsterror", la terreur de la productivité, né ici vers 1967/8. Il y a une leçon à tirer de tout cela. Je crois que l'ennemi est encore et toujours l'organisation tayloriste/fordienne etc du travail. C'est lui qui organise la surproduction, la baisse des prix, l'enfer environnemental et surtout le malheur des gens qui y participent (putain ces gens qui manifestent pour sauver leur emploi dans un call center ou une usine de montage... ça me fout toujours mal à l'aise. La survie à l'usine est une prise d'otage, avec son syndrome de stockholm).
Pas très nouveau mon discours, mais y'a des fois il faut savoir être banal. Le communisme est mort, mais la haine de la chose consumériste est restée. Elle est "pregnante", elle baigne la ville. Ici le premier mai par tradition, depuis 1987, on casse et on impose au quartier une véritable vague de terreur antibourgeoise. La jeunesse se lâche sous d'assez fallacieux prétextes. Ca n'est d'ailleurs pas reluisant non plus, la violence au nom du pacifisme. J'ai toujours haïs les cons de la CNT qui au prétexte de la libération vont s'entrainer dans les bois avec des battes de base ball à faire le parcours du combattant comme de vulgaires Charles Brownson, mais de gauche. Beurk. Passons. Revenons à Kreuzberg. Résultat de cet esprit encore isolationiste, en retrait du bordel corporate ("can you do the corporate dance ?" demande tsé dans son album à paraître bientôt) il n'y a ni centre commerciaux, ni grosses entreprises, ni chaines de restauration ou de divertissement ((à part UN mac donald que la moitié de la population rêve de mutiler), ni multiplexes, ni FNAC (on dit "Saturn" en allemagne) ou grande surface culturelle. Sur une surface qui doit bien faire la moitié de Paris. Les hamburger se mangent chez "Kreuzburger" sur l'Oranien strasse, faits mains et lourds à souhait. Les supermarchés sont petits (et même les hard discount proposent du Bio partout, les müslis - hippie allemands tels que décrits pas leurs ennemis - ont pris là dessus le pas sur les punks, encore nombreux mais aussi grotesques et déplacés que les machines de l'usine de mon immeuble), les librairies nombreuses et souvent un peu poussiéreuses. Les restaurants sont pour la plupart des cantines. Les voitures presques rares. C'est entre ces façades d'une ville revenue de tout et cicatrisée de partout et cette attitude d'opposition naturelle, silencieuse, que se situe le bonheur de vivre ici, la "qualité de vie".

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