29 novembre 2007

 

Robert Musil - "L'homme sans qualités"

L'homme sans qualité est un livre admirable. D'un langage limpide et simple, pas du tout à l'expérimentation formelle de cette époque, toujours un peu emmerdante, celle d'un Joyce par exemple. Le ton y est détendu et drôle, d'un humour cinglant sans être atrabilaire. Céline qui écrit de l'autre côté d Danube et de la ligne Maginot, qui nous décrit aussi une sorte d'homme sans qualités, est bien loin. Il passe pour un enfant qui essaie d'impressionner ses congénères avec ses galipettes. Nous sommes ici en un terrain plus abstrait, moins charnel, qui analyse énormément et juge très peu.
Musil décrit, sur le fond d'un empire au bord du gouffre, au soleil noir de la dissolution du politique, la vie d'un homme inconstant. L'homme sans qualité a fait système de son inconstance. Ou le livre qui la relate en fait un système, nous dirons que cela revient au même.

Des retours à la case départ, une cacophonie des intentions, une loghorée politique pour dissimuler les regrets et les plantages...
C'est une vie une inconstance. Mais est-ce aussi une éthique ?

L'inconstance ne doit pas se confondre avec une absence de volonté. Elle est au contraire une sorte de manifestation de volonté pure, non assignée. Non assignable. L'homme sans qualité ne fait que vouloir. Il veut aller au bout, être un grand, il veut dépasser ses contemporains, survoler son époque, il veut mais cette volonté se dévoie en ce qu'elle ne trouve aucun terrain ou s'exercer. Il est tour à tour militaire, ingénieur, mathématicien, il s'y distingue avec un certain panache mais ne peut jamais s'y satisfaire, tant sa quête est bien plus profonde et donc, vue de la surface, bien plus floue. Chaque concrétisation de sa volonté de grandeur, parceque l'homme sans qualité est un héro, en ce sens qu'il croit à sa valeur et à son panache, est un rabaissement de celle-ci, une remise au pas, finalement une négation. Faire c'est déjà mourir un peu. Le personnage secondaire du peintre/musicien Walter déguise son manque d'inspiration par des fanfaronades sur le courage qu'il y aurait à ne pas peindre. Voilà le registre de vie de l'Homme sans qualité. Qui en fait une éthique en soi. Ne surtout pas se maintenir. Ne surtout pas faire fructifier ses succès. Ils deviendraient des oeillères, des obstacles dans la recherche de cette chose pure. Quelle est cette chose pure ? Ca ne nous est pas révélé (mais nous commençons à le deviner) à la page 103.

La suite de mes profondes pensées sur cet énorme machin, dés la page 206.

 

Burial - Untrue

C'est le disque de l'année à n'en point douter. Reste à déterminer de quelle année... Celle des raves évidemment. Celle des raves héroiques du temps des entrepots et des presets techno monstrueux, des basses vrombissantes, de la réverb naturelle des architectures industrielles ou logistiques... mais quelle est cette année 1993 où le tempo aurait été aussi lent ? Est-ce une réminiscence d'une image au stromboscope, un dance floor à mi-tempo ? Et quelle est cette année 1993 où Basic Channel avait déjà inventé la techno-fantome ? C'est une année 1993 glacée et zombifiée, une parodie ralentie, gelée d'un souvenir brûlant. Une rave comme vous n'en avez jamais vu pour peu que vous n'ayez jamais parcouru d'autres dimensions, que vous soyez resté de ce côté ci de la barrière. C'est ça le charme, le pouvoir, la claque Burial : le sentiment de presque-déjà vu (et donc la conclusion qui s'impose : de jamais entendu).
Et viennent ces voix. Ces voix RNB mielleuses dévorées par le soft auto-tune, dépitchées jusqu'à l'inexistence, ces voix indubitablement absentes... Quelle est cette année 1993 ou des raves mélancoliques à mi-tempo étaient envahies par des chanteurs de RNB morts, décomposés en directs (l'improbable "Ghost Harware")?
The Wire fait appel à Derrida et à son "hantologie", sa mystique de l'absence, notre amour pour le spectral, pour parler de Untrue (le titre nous en dit déjà pas mal)... Nous pourrions en appeler à K Dick. C'est peut-être un peu facile, mais je vais me géner tiens. Ubik bien sûr. Le retour dans le temps dirigé par un adolescent-démiurge qui ne connait pas vraiment son sujet, dont le monde mal contrôlé s'embourbe dans les erreurs et les incongruités physiques, pour finir par se dessecher, se désagréger tout simplement. Tout en viscosité et en ralenti, Untrue dégouline comme une utopie en pleine déliquescence.

Une joie de vivre congelée, la sensualité d'une danse filmée à un format incompatible et exotique, les voix les plus fausses, les plus artificielles, les plus improbables qu'il nous ait été donné d'entendre depuis longtemps. Untrue s'adrese à tous ceux qui peuvent s'emballer pour un possible non constitué. Pour un invisible, un non-donné, un souvenir qu'on n'a pas eu. Untrue est un enfant non conçu, une vie autre.


PS cette chronique fut rédigée dans l'aéroport, à la lumière électrique de l'affreux CDG en ses sous-sols. Rédigée au souvenir, sans réécouter le disque. J'ai voulu le réentendre aujourd'hui pour être sûr de mon coup. Je l'ai trouvé affreux. ignoble même. la magie retombée, les lumières n'opérant plus à magnifier les choses, ne restait que l'affreux spectre grimaçant d'un chanteur RNB... Avec ces musiques exotiques il est de notre devoir de savoir quels sont les mauvais moments. De jouer à cache cache. Et alors, peut-être, en attendant que cela revienne, de savoir s'en tenir à notre souvenir. C'est après tout tout le sel de Untrue, la mémoire et l'absence.

18 novembre 2007

 

Bruce trop puissant

Bon voila. j'aime bien Bruce Willis. J'aime bien la série des Die Hard. J'ai loué le dernier sous le fallacieux prétexte d'une crève qui ne me lâche pas et m'a totalement enfermé depuis trois jours. Mes projets sont embouteillés, tous kéblos, mais ma culture en daube cinématographique progresse à vitesse grand v.
Une citation pour les sceptiques

- "wait you just destroyed a helicopter with your car !"
- "i ran out of bullets"



N'hésitez pas c'est du bon.

Ai-vu aussi Sunshine, science-fiction anglaise d'excellente facture même si l'on n'échappe pas aux poncifs du genre. Nous recommandons vivement le commentaire du film par l'astrophysicien qui sert de conseil scientifique, il répond-là à quelques questions fondamentales.
OUI tenir dans l'espace sans scaphandre est possible, pendant au moins 10 secondes, peut-être 30. Non vous ne gelez pas instantanément. Et oui vous pouvez donc tenter de sauter d'un vaisseau à un autre si jamais c'est le genre de sport qui vous amuse.

05 novembre 2007

 

Le sens figuré - Blog

Les dessins de Alia, que j'attendais avec une certaine impatience, viennent d'être publiés sur le blog du Sens figuré, notre fourre-tout programmatique.

c'est là :

http://www.lesensfigure.fr/blog/

Vous en trouverez d'autres, de Baladi et de David Vandermeulen. Ceux de Benoît Preteseille sont sur notre page d'appel à auteurs.

02 novembre 2007

 

Ernst Busch - Lied der Partei

Le rock m'ennuie. La techno m'ennuie. La musique contemporaine m'emmerde. Cessons avec ces saloperies post-modernes ! Donnez moi quelque chose qui me fasse croire en l'avenir, merde !
Pour votre éducation, une chanson à la gloire du socialisme, le Lied der Partei par Ernst Busch :

"die partei die partei die hast immer recht, lallalallalala" (la parti, le parti, le parti qui a toujours raison)

On ne pourra plus dire qu'on ne savait pas s'amuser sous la DDR.



PS : excellent reportage sur la musique DDR, plein d'extraits, à lire ici
http://blog.wfmu.org/freeform/2006/02/a_short_audiovi.html

01 novembre 2007

 

Mulatu Astatqé (et qui d'autre ?)

Nous avons longuement parlé et bu. Nous avons peu participé à la fête. A peine si j'ai répondu aux oeillades et mouvements de coudes complices de mes amis à chaque fois qu'elle avait le dos tourné. C'est fou comme les encouragements sont saoulants.

Je lui ai dit "i feel like kissing you". Elle a dit "je ne sais plus très bien si je suis célibataire ou en couple". Ce qui ne répondait pas vaiment à ma question. Qui d'ailleurs n'en était pas vraiment une. Elle a ajouté "mais je préfère éviter de mal me comporter". La soirée s'est passé sur le même rythme, et j'ai peut-être un peu trop bu. J'étais un peu frustré sur le moment, mais elle m'a dit qu'il faudrait qu'on se revoit après, bientôt, vite. Nous n'en avons plus reparlé. Pablo m'a demandé
"y a t-il une lumière au bout du tunnel ?".
Ma réponse a déclenché une salve de rires gras. Tout en jettant ma blague j'avais l'impression de quitter mon bel habit de douceur. Comme a regret, mais comme si je me devais de donner le change. Parcequ'au fond de moi je n'avais pas du tout envie de blaguer. Une manière de relativiser les étincelles qu'on a dans les yeux je suppose. Affligeant quand on y pense.

A l'arrêt du taxi, que nous partagions avec Ezechiel, elle m'a embrassé une fois, vite, sur la bouche. Puis sa portière ne fonctionnant pas j'ai du sortir pour la laisser passer et nous nous sommes encore embrassés, 3 fois je crois.

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