27 juin 2012

 

ai (14)


ai écouté Philippe Katherine

19 juin 2012

 

ai (13)


ai assisté à la scène surréaliste du mois, dimanche, en mangeant une glace sur la pelouse le long du canal avec X qui me racontait par le menu le drame banal et épouvantable qui s'installe dans sa vie en ce moment (une séparation). Une armada de canoës pneumatiques a d'un coup envahi la voie d'eau un peu évasée à cet endroit, peut être une vingtaine d'unités en formation autour d'un radeau amiral fait de bois de récup posé sur des bidons plastique avec un toit pour se protéger du soleil oder-neissien (qui tape sa race parfois). Sur le pont, un groupe électrogène et une sono et une dizaine de personnes à la fois commissaires politiques et messieurs/dames Loyal(e)(s)(aux). Et tout ce beau monde de chanter des chansons communistes et autres joyeusetés allemandes et berlinoises, en se passant les feuillets de paroles d'un esquif à l'autre dans une ambiance de chorale fluviale. Ton Steine Scherben pour les vertus de l'occupation illégale des bâtiments, Fehlfarben Es geht voran pour l'hymne révolutionnaire générique adoré par la jeunesse antifasciste locale (ironiquement le parolier est plutôt un connard de droite, mais passons), Slime Deutschland muss sterben damit wir leben können (L'Allemagne doit crever pour que nous puissions vivre, ce qui retourne la devise de la guerre de 14 "nous devons mourrir pour que l'Allemagne puisse vivre")pour la détestation de l'Allemagne en plein jour de match, puis l'increvable Bella Ciao, très mal chantée mais soutenue par une version à l'accordéon pas mal du tout, et agrémentée d'une danse du canoé tournant sur lui-même exécutée par deux rameurs gauchistes déchainés pendant qu'une des VIP du radeau revendiquait haut et fort son droit au dauphin gonflable qu'elle brandissait comme le trophée du grand soir advenu. Le public composé de branleurs mangeant des glaces le dimanche sur les pelouses mangeait des glaces sur la pelouse et applaudissait avec une certaine joie distante (une bonne part était trop occupée à filmer la scène avec l'aïphone pour applaudir). Un vieux re-noi seul sur un banc hurlait OUUCCH toutes les trente secondes avec la régularité d'un métronome nazi. Les cygnes teigneux comme pas deux essayaient de chopper des petits enfants à pincer ou terroriser. Les hommes tatoués regardaient les femmes tatouées qui regardaient les hommes tatoués. Les infirmes et les branchés du catheter de l'hôpital de la Urbanstrasse juste derrière nous fumaient leur clope en ajustant leurs décorations nationales pour le match à venir, une véritable armée des éclopés, et la femme au micro sur le radeau disait quelque chose à propos de la hausse des loyers et des requins capitalistes. Deux canoës se sont joints pour déployer une banderole "Für eine linke Strömung". Pour un Strömung de gauche ? Nous en bons français avons débattu le terme "Strömung" que nous ne connaissions pas. Après avoir écarté "électricité" (Strom. Une électricité de gauche ? ça ne nous semblait pas hyper percutant) nous avons fini par déduire tourbillon, tempête puis, eureka, courant (au sens de déplacement fluidique vers l'aval). Le courant, Die Strömung. Pour un "courant de gauche" qui emportera tout, à canoë sur le canal. Je ne sais pas si la révolution a progressé mais la pataphysique* tient le bon bout.

ai rien vécu d'autre de notable ces temps-ci, à part que l'été est arrivé, mais vous l'aurez compris.

ai quand même à part les trucs en cours normal des choses, pondu la chronique du post précédent, j'y ai passé pas mal de temps, elle a une longue histoire faite d'hypocrisie ou de radicale inconstance méprisante d'une tenancière d'un magazine d'art chic (Frieze pour ne pas le nommer) et de mauvais jugements de ma part sur une autre publication susceptible de l'accueillir (The drone qui font du beau travail mais n'ont rien à voir avec moi). ça ne mérite pas qu'on y revienne plus que ça. Mais le disque est très bon aussi ai-je décidé de la rendre quand même "publique".

*science des solutions imaginaires dit wikipédia qui est le plus bel outil de l'univers connu


15 juin 2012

 

Pharoah Chromium - Electric Cremation


Réalisé par le Boy from Brazil Ghazi Barakat (avec l'ex Stereolab Tim Gane aux manettes), Electric Cremation a un titre death metal mais émarge plutôt à la cellule dormante du Kraut Rock synthétique. L' école électronique berlinoise (1969-1980, RIP) passée par la case du bad trip, descendue de ses hauteurs cosmiques pour se casser l'échine sur la terre-brûlée d'un futur qui nous pend au nez. Klaus Schulze et Tangerine Dream font les pitres dans l'arrière salle et des lutins méchants du Kreuzberg apocalyptique des années quatre-vingt viennent mettre leur grain très salé. Psychédélisme "noir et blanc" ou gris béton ainsi que le cahier des charges du label Grautag l'exige. 

Les séquences plutôt courtes et jamais vraiment résolues sont plutôt coagulées qu'enchaînées sur 4 les quatre faces du double-album (AtomicFerralGhostArabic). Tout l'attirail très choisi d'effets et de synthèses analogiques grince  bien plus qu'il ne joue.  Le temps qu'on décèle une forme sous les effets (progression harmonique, séquence synthétique, moment mélodique), qu'on l'imagine plutôt qu'on la perçoive,  et elle est déjà morphée, passée à autre chose. Musique vaporeuse. Mais de ce genre de vapeur qui menace. Remugles de caoutchouc brûlé, mirages de chaleur qui floutent les restes un peu grotesques d'un passé où le futur existait encore.

Atomic après un début faussement grandiloquent instaure une beauté blessée (reprise acide de Eli et Jacno) saisie juste avant son basculement, son effondrement dans un chaos océanique. Ghost est pleine d'une pomposité merveilleusement déplacée, un peu comme si Lovecraft écrivait à Ballard une Lettre à Elise sur un synthé modulaire. Sur Ferral, des saturations rock évoquent un Iggy Pop désincarné errant au milieu d'immenses monades électroniques qui l'ignorent superbement, toutes à leurs ruminations de planètes lointaines que bien sûr l'humanité ne verra jamais qu'en rêve. Nicolas encule Hegel et l'esprit absolu du progrès la sent passer bien profond, la désillusion psychédélique... L'environnement fictionnel post-cataclysme SF fait office d'épreuve de vérité. Le jardin à hipster qu'est devenu Berlin nous a endormi. Nous avions oublié la force évocatrice du son de la ruine. 

La fumée de la crémation laisse cependant parfois filtrer la lumière, qui s'incruste comme par effraction et se décompose en raies brillantes à travers le nuage en de fugaces et gracieux moments, peut-être plus "musicaux", où malgré la distorsion tout au fond, quelque chose comme un sens possible à tout cet enfer émergerait presque, rassasiant un peu notre désir d'ordre, de volupté bien mise (Ferral encore). 

Puis sur la quatrième face (Arabic), un Saz (l'oud turc) abondamment souillé par de revêches effets autotune-néon-plastoc nous prend carrément en otage. Mais c'est pour nous rendre meilleure la difficile liberté à venir...  Il nous faudra traverser le désert de béton craquelé avec une draisine pour seul véhicule. Et le nuage noir nous donnera la chasse sans répit. Il hurle déjà (Speech). Dieu que le désastre est beau.

http://www.grautagrec.com/releases/003/gt003.html

14 juin 2012

 

Les enfants, on se tue à vous dire que rationalisme morbide et humanisme... (3)


un papier de Bruno Latour pour l'UNESCO (point qui quelque part affaiblit un poil ses qualités intrinsèques). Il y répond en partie à cette question lancinante : qui est le "Blanc à la langue fourchue" dont parlent avec horreur les indiens des western, ces sauvages ?

http://www.bruno-latour.fr/sites/default/files/81-GUERRE-PAIX-UNESCO-FR.pdf

(oui je sais ce post porte un petit 3 or c'est le premier. Le petit 2, "the ambassadors" arrivera si je réussi à le rédiger comme il faut un jour).

08 juin 2012

 

ai (12)


ai donné mon premier cours de français pour un "sprachcenter" local. Histoire de voir comment est la vraie vie avec les vrais gens. Joies du précariat. Deux heures par semaines, et pour ces deux heures par semaine je dois bloquer tous mes lundi après midi jusque 2013. Evidemment ça ne va pas durer... mais je vais le faire encore un peu, le temps de pouvoir considérer en avoir l'expérience. C'est ma façon de faire des réserves pour l'hiver. (L'hiver vient !)

ai eu les premiers chiffres de Berlin Sampler in english qui est pas mal parti. La distribution faite à la mano avec un téléphone par les gens de Exberliner est infiniment meilleure que tout ce qu'à pu faire les belles lettres ou le comptoir des indépendants pour nous. Il y a quelque chose de pourri au royaume du livre français, c'est certain

ai pu assister à une longue conversation entre Théo Lessour et Thomas Fehlamnn (The Orb). Le Thomas ayant grondé le Théo pour quelques erreurs mineures (ou pas ?) dans la partie techno du dit livre. Erreurs qu'il va falloir maintenant systématiquement traquer pour pouvoir les effaçationner de la deuxième édition si deuxième édition il y a (en anglais et même en français). Scoop tiré de cette conversation prise sur le vif au club HBC que par ailleurs je n'aime pas même si j'aime le piano-wehrmacht monté sur des roues tout-terrain et peint en camouflage de la grande époque : The Orb sort un disque avec Lee Perry l'été prochain. Le Thomas a pu raconter relativement en détails son expérience avec le vieux fou/sage jamaïcain. Pas de marre au canards dans la cabine de batterie, ni de ganja soufflée dans les tranches de la console, les temps changent

ai vu Théo donner son "cours" de musique berlinoise à un workshop de musiciens français à Berlin. Peu mieux faire. Commence à devenir répétitif.

ai lu la moitié de Der klang der Familie, qui est un peu la suite de Dilapide ta jeunesse, concentré sur l'explosion techno au moment de la chute du mur à Berlin. Même principe d'écriture devenu familier dans le domaine de la musique depuis Please kill me : interviews croisées et remontées en un flux unique plus ou moins chronologique, comme une conversation imaginaire d'une cinquantaine d'acteurs d'un phénomène. Fascinante montée d'endorphine racontée avec nostalgie. La chute du mur, les squatts, les clubs dans les caves, les abus de dope, le Tresor et l'ewerk, la Love Parade, l'argent qui coule à flot, les trahisons... Pur concentré de vraie vie 90's. Der Klang Der Familie est à coté du Berlin Sampler dans toutes les bonnes librairies locales. J'ai bon espoir d'en devenir le traducteur, et j'ai contacté Allia à ce sujet.

ai rencontré autour d'un verre un ami d'une amie d'un ami, jeune innocent d'à peine trente ans en thèse qui disait "adorer écrire des romans". Le temps que j'affiche un sourire condescendant j'apprenais que l'impétrant avait déjà publié chez Gallimard, et à la NRF encore. il en parlait avec un naturel confondant et pas la moindre once de prétention. J'en éprouvais de la jalousie mêlée de respect et je me haïssais immédiatement pour cette faiblesse envers l'institution germanopratine. Mais le petit con en question, évidemment normalien, s'avérait un charmant compagnon de bar, que si il habitait dans le coin il deviendrait même rapidement un ami. Comme quoi.

ai déclaré la guerre à Google qui se fout du monde. On peut lire ici mon appel à la mobilisation générale. L'affaire est en train d'être réglée par un employé français de la boite G qui a pris l'initiative de m'écrire suite à ce misérable petit post. Belle réactivité j'avoue. Nous n'aurons donc probablement pas à sortir notre épée de bois à l'assaut de l'hydre à 100 millions de têtes. Ai eu un avocat au téléphone qui m'a proposé d'attaquer le grand G pour 5000 euros (et m'a tout de suite prévenu que nous récupérerons au mieux quelques menus dommages et intérêts dans cinq ans). Histoire d'être désagréable malgré la signature proche de la paix armée, je vous renvoie quand même à cet article hallucinant que m'a fait suivre cb : ici. Où l'on découvre le sort des scanOps chargés de scanner le patrimoine littéraire mondial pour la maison G. Inutile de dire qu'ils ne sont que les traînes savattes de la grande googlerie, et que la simple idée de les interviewer entraîne des répercussions immédiates. Ah le beau projet Gutenberg du vingt-et-unième siècle, que je trouve par ailleurs très excitant, est légèrement souillé par ce qu'on pourrait appeler sans prendre trop de risque de se tromper la rationalisation capitaliste. Les enfants on se tue à vous dire que rationalisme morbide et humanisme ne sont qu'une seule et même chose. Un jour on déboulonnera les statues de Descartes (et les bustes de Beethoven). Cela me rappelle, par analogies synaptiques, le roman La religieuse de Diderot que j'avais lu chez Th et Al pendant un séjour alicantain et qui m'avait foudroyé tellement c'était bon et que je conseille vivement à tous ceux qui sont d'humeur sadienne (illustration de Paul Emile Bécat).

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