15 juin 2012

 

Pharoah Chromium - Electric Cremation


Réalisé par le Boy from Brazil Ghazi Barakat (avec l'ex Stereolab Tim Gane aux manettes), Electric Cremation a un titre death metal mais émarge plutôt à la cellule dormante du Kraut Rock synthétique. L' école électronique berlinoise (1969-1980, RIP) passée par la case du bad trip, descendue de ses hauteurs cosmiques pour se casser l'échine sur la terre-brûlée d'un futur qui nous pend au nez. Klaus Schulze et Tangerine Dream font les pitres dans l'arrière salle et des lutins méchants du Kreuzberg apocalyptique des années quatre-vingt viennent mettre leur grain très salé. Psychédélisme "noir et blanc" ou gris béton ainsi que le cahier des charges du label Grautag l'exige. 

Les séquences plutôt courtes et jamais vraiment résolues sont plutôt coagulées qu'enchaînées sur 4 les quatre faces du double-album (AtomicFerralGhostArabic). Tout l'attirail très choisi d'effets et de synthèses analogiques grince  bien plus qu'il ne joue.  Le temps qu'on décèle une forme sous les effets (progression harmonique, séquence synthétique, moment mélodique), qu'on l'imagine plutôt qu'on la perçoive,  et elle est déjà morphée, passée à autre chose. Musique vaporeuse. Mais de ce genre de vapeur qui menace. Remugles de caoutchouc brûlé, mirages de chaleur qui floutent les restes un peu grotesques d'un passé où le futur existait encore.

Atomic après un début faussement grandiloquent instaure une beauté blessée (reprise acide de Eli et Jacno) saisie juste avant son basculement, son effondrement dans un chaos océanique. Ghost est pleine d'une pomposité merveilleusement déplacée, un peu comme si Lovecraft écrivait à Ballard une Lettre à Elise sur un synthé modulaire. Sur Ferral, des saturations rock évoquent un Iggy Pop désincarné errant au milieu d'immenses monades électroniques qui l'ignorent superbement, toutes à leurs ruminations de planètes lointaines que bien sûr l'humanité ne verra jamais qu'en rêve. Nicolas encule Hegel et l'esprit absolu du progrès la sent passer bien profond, la désillusion psychédélique... L'environnement fictionnel post-cataclysme SF fait office d'épreuve de vérité. Le jardin à hipster qu'est devenu Berlin nous a endormi. Nous avions oublié la force évocatrice du son de la ruine. 

La fumée de la crémation laisse cependant parfois filtrer la lumière, qui s'incruste comme par effraction et se décompose en raies brillantes à travers le nuage en de fugaces et gracieux moments, peut-être plus "musicaux", où malgré la distorsion tout au fond, quelque chose comme un sens possible à tout cet enfer émergerait presque, rassasiant un peu notre désir d'ordre, de volupté bien mise (Ferral encore). 

Puis sur la quatrième face (Arabic), un Saz (l'oud turc) abondamment souillé par de revêches effets autotune-néon-plastoc nous prend carrément en otage. Mais c'est pour nous rendre meilleure la difficile liberté à venir...  Il nous faudra traverser le désert de béton craquelé avec une draisine pour seul véhicule. Et le nuage noir nous donnera la chasse sans répit. Il hurle déjà (Speech). Dieu que le désastre est beau.

http://www.grautagrec.com/releases/003/gt003.html

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