16 octobre 2006
Towards the rising sun
Vendredi j'ai été malade. Et on a beau dire, loin de la maison avec de la fièvre, on se sent comme un petit garçon oublié par ses parents. Si on y ajoute une sombre histoire de bisou avec une locale qui s'est d'un seul coup refroidie comme un poulpe congelé, le moral n'était pas au plus haut.
J'ai cela dit été invité, après notre dîner avec mustafa et Filiz, à une soirée karaoké dans un bar "branché". Les gens, dont certains étaient à la performance la semaine dernière sur le toit du loft, m'ont accueilli très généreusement mais je n'avais qu'une envie : fuir. Vous êtes là seul étranger au milieu d'une bande d'excités qui ne parlent pas votre langue, et ils vont bientôt passer de la pop turque sur des images de cascade avec des sous-titres violets fluo, et tous vous posent les mêmes questions sympa mais sans intérêt, et c'est le moment vous dites vous de savoir battre en retraite dignement, droit vers la chambre, Parce qu'après tout y'à ptêt quelque chose à la téloche. Peut être aurais je pu faire un effort si j'avais été en forme, puisque on ne me demandait pas de chanter (mon turc est un peu limité). Et je les trouvais tous gentils. Mais ils étaient comme des ombres autour de moi, je ne voyais que mon lit. Je suis parti au plus vite, m'excusant avec force sourire, et je me suis couché tot.
Samedi c'était la longue marche jusqu'au café Pierre Loti, sis en haut du cimetière qui surplombe la corne d'or. Je me suis perdu dans les ruelles de Fener, Ballat et Eyüp, quartiers du districts de Fatih, un endroit étrange à la beauté décatie. Des rues qui fleurtent avec la destruction, quelques restes d'une époque peut être plus glorieuse, des porches, des balcons, des petites fontaines, des maisons jouets et des villas en bois au dernier stade de la décomposition, de minuscules salons de thé d'à peine un mètre de large, des voitures rouillées, des femmes presques toutes voilées. Le linge pend entre les maisons rapprochées, l'asphalte est troué et parfois inexistant, les pavés très mal alignés. à certains angles de rues, tendues entre deux ruines, des bâches de plastique sous lesquelles on distingue de la vie, des enfants aux cheveux durs comme du crin qui jouent dans la poussière. Un peu de Bombay venait de me rattraper en mon séjour stanbouliote. J'atteignais la mosquée du sultan et tombait en pleine cérémonie. le café Pierre Loti (ne pas confondre avec la rue déjà citée) a effectivement une vue sublime sur la corne d'or, mais c'est l'assemblage de locaux en goguette, de vendeurs de jouets, de touristes américains hurlants et de personnes assistant à des funérailles, qui m'a le plus marqué.
Je suis redescendu du nid d'aigle et me suis décidé à prendre le bus, après avoir failli mourir par suffocation en attendant un taxi qui jamais ne vint.
Deux choses à noter dans le bus bondé.
- la présence d'un vieux caissier/controleur on board assis devant un petit bureau avec des tirroirs en bois, moustachu tendance raffinée et bien cravaté...
- une incongruité totale d'un point de vue parisien : le ptit jeune qui monte par la porte de derrière et qui paie. Il passe simplement sans rien dire son argent aux voyageurs... qui le font passer jusqu'au contrôleur/caissier, toujours assis droit comme un i sur son siège, qui renvoie le billet et la monnaie par le même biais sans même en regarder l'origine. J'essayais de transposer la scène dans le 96 et m'en trouvais bien incapable...
samedi soir j'ai partagé un thé avec mes potes djeune's qui squattent chez Mustafa et j'ai été me coucher tôt, toujours malade.
Dimanche a commencé par un concert de musique classique turque au CRR, la salle Pleyel locale, qui se trouve dans un quartier d'affaire que je n'avais pas encore visité (et ne visiterai plus).
Ce fut instructif. Pendant que les musiciens jouaient (11h du matin ? était-ce un répétition, un concert pour des étudiants pas encore diplômés ?) on projetait des diapos (enfin de nos jour on dit "un power point" pas des diapos) avec les bios des compositeurs (grosso modo actifs vers 1900) et les paroles des chants. Des photos en noir et blanc d'hommes bien habillés qui portent le Fez, souvent la main sur un petit meuble trépied, dos au décor. La musique était grave et simple. Un violoncelle, une flute, trois instruments à corde que je ne pourrais pas nommer, un percussioniste endimanché qui faisait boom boom boo boom toutes les 5 mesures, l'air digne sur sa chaise. Je ne me suis pas envolé mais j'ai tout écouté sans broncher, sans une once d'ennui.
Après le concert le temps s'est levé (il faisait jusque là une pluie bavasseuse et gluante digne d'une mauvaise journée parisienne de novembre) et j'ai pris un Vapur pour Usküdar, de l'autre coté du Bosphore, dans la partie asiatique que je n'avais pas encore exploré. J'y ai fait une centaine de photos que je vous épargnerai. Des villas bien plus riches, des petites allées-jardins avec vue sur le Bosphore. Une ou deux mosquée très anciennes. J'ai rencontré des chats et des petites vieilles qui nourrissent les chats. Istanbul est une ville de chats. c'est très plaisant de les voir dormir, de les voir jouer, nourris par la population. C'est hospitalier, confortable pour un peu. J'ai même vu un gars parcourir 150 mètres avec un bol de lait (et je me suis dit qu'un drame familial avec ses enfants devait se tapir derrière cette histoire).
Je suis rentré et ai croisé Mustapha avec qui nous avons discuté un moment. Il était déjà 21 heures. Hop un Conrad et au lit. Je suis tombé sur cette phrase, qui m'a semblé tout à fait à propos :
"He retreated in good order towards the rising sun"
La semaine s'annonce artistique avec l'ouverture de la biennale. On en reparle.
PS : non personne ne m'a menacé de mort. Non les gens n'ont pas l'air de haïr les français même si on m'a mis en garde pour certains quartiers. J'ai vu une manif devant le lycée français, petite et pas spécialement haineuse, c'est vrai. A mon avis, sauf si je vais faire pipi ostensiblement sur une photo d'Attatürk devant la mairie, je ne risque rien.
J'ai cela dit été invité, après notre dîner avec mustafa et Filiz, à une soirée karaoké dans un bar "branché". Les gens, dont certains étaient à la performance la semaine dernière sur le toit du loft, m'ont accueilli très généreusement mais je n'avais qu'une envie : fuir. Vous êtes là seul étranger au milieu d'une bande d'excités qui ne parlent pas votre langue, et ils vont bientôt passer de la pop turque sur des images de cascade avec des sous-titres violets fluo, et tous vous posent les mêmes questions sympa mais sans intérêt, et c'est le moment vous dites vous de savoir battre en retraite dignement, droit vers la chambre, Parce qu'après tout y'à ptêt quelque chose à la téloche. Peut être aurais je pu faire un effort si j'avais été en forme, puisque on ne me demandait pas de chanter (mon turc est un peu limité). Et je les trouvais tous gentils. Mais ils étaient comme des ombres autour de moi, je ne voyais que mon lit. Je suis parti au plus vite, m'excusant avec force sourire, et je me suis couché tot.
Samedi c'était la longue marche jusqu'au café Pierre Loti, sis en haut du cimetière qui surplombe la corne d'or. Je me suis perdu dans les ruelles de Fener, Ballat et Eyüp, quartiers du districts de Fatih, un endroit étrange à la beauté décatie. Des rues qui fleurtent avec la destruction, quelques restes d'une époque peut être plus glorieuse, des porches, des balcons, des petites fontaines, des maisons jouets et des villas en bois au dernier stade de la décomposition, de minuscules salons de thé d'à peine un mètre de large, des voitures rouillées, des femmes presques toutes voilées. Le linge pend entre les maisons rapprochées, l'asphalte est troué et parfois inexistant, les pavés très mal alignés. à certains angles de rues, tendues entre deux ruines, des bâches de plastique sous lesquelles on distingue de la vie, des enfants aux cheveux durs comme du crin qui jouent dans la poussière. Un peu de Bombay venait de me rattraper en mon séjour stanbouliote. J'atteignais la mosquée du sultan et tombait en pleine cérémonie. le café Pierre Loti (ne pas confondre avec la rue déjà citée) a effectivement une vue sublime sur la corne d'or, mais c'est l'assemblage de locaux en goguette, de vendeurs de jouets, de touristes américains hurlants et de personnes assistant à des funérailles, qui m'a le plus marqué.
Je suis redescendu du nid d'aigle et me suis décidé à prendre le bus, après avoir failli mourir par suffocation en attendant un taxi qui jamais ne vint.
Deux choses à noter dans le bus bondé.
- la présence d'un vieux caissier/controleur on board assis devant un petit bureau avec des tirroirs en bois, moustachu tendance raffinée et bien cravaté...
- une incongruité totale d'un point de vue parisien : le ptit jeune qui monte par la porte de derrière et qui paie. Il passe simplement sans rien dire son argent aux voyageurs... qui le font passer jusqu'au contrôleur/caissier, toujours assis droit comme un i sur son siège, qui renvoie le billet et la monnaie par le même biais sans même en regarder l'origine. J'essayais de transposer la scène dans le 96 et m'en trouvais bien incapable...
samedi soir j'ai partagé un thé avec mes potes djeune's qui squattent chez Mustafa et j'ai été me coucher tôt, toujours malade.
Dimanche a commencé par un concert de musique classique turque au CRR, la salle Pleyel locale, qui se trouve dans un quartier d'affaire que je n'avais pas encore visité (et ne visiterai plus).
Ce fut instructif. Pendant que les musiciens jouaient (11h du matin ? était-ce un répétition, un concert pour des étudiants pas encore diplômés ?) on projetait des diapos (enfin de nos jour on dit "un power point" pas des diapos) avec les bios des compositeurs (grosso modo actifs vers 1900) et les paroles des chants. Des photos en noir et blanc d'hommes bien habillés qui portent le Fez, souvent la main sur un petit meuble trépied, dos au décor. La musique était grave et simple. Un violoncelle, une flute, trois instruments à corde que je ne pourrais pas nommer, un percussioniste endimanché qui faisait boom boom boo boom toutes les 5 mesures, l'air digne sur sa chaise. Je ne me suis pas envolé mais j'ai tout écouté sans broncher, sans une once d'ennui.
Après le concert le temps s'est levé (il faisait jusque là une pluie bavasseuse et gluante digne d'une mauvaise journée parisienne de novembre) et j'ai pris un Vapur pour Usküdar, de l'autre coté du Bosphore, dans la partie asiatique que je n'avais pas encore exploré. J'y ai fait une centaine de photos que je vous épargnerai. Des villas bien plus riches, des petites allées-jardins avec vue sur le Bosphore. Une ou deux mosquée très anciennes. J'ai rencontré des chats et des petites vieilles qui nourrissent les chats. Istanbul est une ville de chats. c'est très plaisant de les voir dormir, de les voir jouer, nourris par la population. C'est hospitalier, confortable pour un peu. J'ai même vu un gars parcourir 150 mètres avec un bol de lait (et je me suis dit qu'un drame familial avec ses enfants devait se tapir derrière cette histoire).
Je suis rentré et ai croisé Mustapha avec qui nous avons discuté un moment. Il était déjà 21 heures. Hop un Conrad et au lit. Je suis tombé sur cette phrase, qui m'a semblé tout à fait à propos :
"He retreated in good order towards the rising sun"
La semaine s'annonce artistique avec l'ouverture de la biennale. On en reparle.
PS : non personne ne m'a menacé de mort. Non les gens n'ont pas l'air de haïr les français même si on m'a mis en garde pour certains quartiers. J'ai vu une manif devant le lycée français, petite et pas spécialement haineuse, c'est vrai. A mon avis, sauf si je vais faire pipi ostensiblement sur une photo d'Attatürk devant la mairie, je ne risque rien.
Comments:
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bonjour Guillaume,c'est Catherine, la compagne de ton père. C'est lui qui m'a envoyé le lien et je suis contente car j'ai un peu l'impression d'avoir arpenté moi aussi les rues et ruelles d'Istanbul. J'aime bien la manière dont tu écris, j'ai senti les odeurs et j'ai entendu les muezzins. J'ai eussi vu tous ces chats. Surtout ne mets pas de photos, on imagine beaucoup plus délicieusement. J'adore. Continue à nous raconter. à bientôt.
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