06 décembre 2011

 

Le paradis des lapins


La vie recèle quand même quelques surprises pas piquées des vers. Se faire embaucher pour traduire en français un film porno métaphysique allemand par exemple. Ca arrive oui, si on est bien assis sur son bureau et qu'on refuse d'en décoller.


Le pitch :
Deux femmes trouvent un lapin mort dans une forêt et commencent à deviser sur son pauvre sort. Elles tombent alors par hasard dans la maison de Bill, qui sait les accueillir...

Voici un extrait des dialogues entre Cindy et Sophie (pendant que Bill passe du bon temps entre leurs mains expertes). Vous noterez le "créateur immobile" qui a causé des ennuis assez impensables pour un traducteur consciencieux (en plus d'avoir à retrouver des citations de Kleist dans leur contexte et autres trucs assez marrant) : dans l'original allemand "unbewegter beweger" : celui qui cause le mouvement sans bouger. avec la racine commune beweg : le déplacement. L'anglais peut tirer quelque chose comme The unmoving mover. Mais nous français n'avaons pas deux mots avec la même racine qui permettent de décrire celui qui initie le mouvement et celui qui est immobile. Il faudrait à la limite dire le "moteur" immobile, mais évidemment ça ne marcherait pas. Pour Aristote de chez qui vient toute cette idée d'unbewegter beweger les preux traducteurs avaient opté pour "initiateur immobile du mouvement", ce qui dans un film où des femmes lèchent des femmes qui lèchent des hommes me semble absolument impossible. Donc Créateur immobile. La traduction est à mon niveau un métier du pis-aller.



SOPHIE:
Il ne peut y avoir un paradis des lapins que si le lapin est capable de concevoir un paradis des lapins.
 
CINDY:
Mais non ! Il peut très bien y avoir un paradis des lapins même si les lapins sont incapables de concevoir quoi que ce soit.

SOPHIE:
Hum.

CINDY:
Le paradis n'est certainement pas un concept !


SOPHIE:
Tu as mis le doigt sur quelque chose... Si le lapin était capable d'adopter un point de vue esthétique... Si il pouvait tout trouver bien, alors il serait au paradis. Celui qui trouve tout bien est au paradis, non ? Or, à ce que je sais, seuls nous les humains pouvons nous doter d'une esthétique....


BILL:
Dites-moi les filles, de quoi vous jacassez au juste ?
 
CINDY:
Bonne idée Sophie ! Si je peux tout percevoir comme bon, et que je dis oui à tout, alors je suis comme Dieu. Il a fait le monde en sept jours et a trouvé tout ça super, tel qu'il l'avait dessiné. Et puis il s'est retiré au calme. Et il est là depuis quelques milliers d'années à ne plus rien faire du tout. Il trouve tout absolument bien et considère sa création avec bienveillance.

 
SOPHIE:
Oui ! Celui qui trouve tout bien est comme Dieu, un créateur immobile. Il n'a plus rien à faire puisque tout est déjà bien.


CINDY:
Il trouve que la bonne vie est bonne, mais il trouve aussi que la mauvaise vie est bonne. Il laisse faire et ne change rien.

SOPHIE:
Comme Marcel Duchamp !
  
BILL:
C'est un de vos mecs ?
  
SOPHIE.
En quelque sorte, Billyboy !



Et puisqu'on parle de sexe, voici l'incroyable collage pop psychédélique du groupe "whitenoise", circa 1969, parait-il grosse influence de Stereolab, si l'on en croit Jean-Yves Leloup dans son très bon papier sur les pionnières de la musique électronique.

Le passage avec des boucles sur des sons d'orgasmes est assez furax.

Comments: Enregistrer un commentaire



<< Home

This page is powered by Blogger. Isn't yours?

Older Posts newer Posts