07 février 2008

 

Amon Düül - Psychedelic Underground


Enregistré en septembre 1968 avec les membres de Amon Düül , communauté plus que réellement groupe de rock (ils se présentent au festival de Essen en disant "nous sommes 11 personnes, 9 adultes et deux enfants. Nous faisons tout ensemble". Ils sont pris) et ceux de la Kommune1, communauté militante et politisée (surfez un peu!) très célèbre de Berlin Ouest qui ne comprend aucun musiciens, Psychedelic Underground se doit d'être écouté au moins une fois. Fort si possible. Ce qui se croise dans ce disque idiot c'est l'improvisation free jazz, le "tout le monde est un artiste" de Joseph Beuys et la vie communautaire qui impose que tout le monde participe de manière égalitaire. C' est bien entendu la porte ouverte au plus grand des n'importe quoi.

Ce disque a beaucoup été décrié. On le considère à droite à gauche comme le plus mauvais de l'histoire du rock n roll. Demandez à vos amis cultivés. Les forums de fans de Krautrock regorgent de questionements et de remarques un peu dégoutées sur ce machin (sans parler des 4 autres disques produits à partir de cette unique session de quelques jours au Hansa Studio). Avec, une certaine raison, vue la qualité mediocrissime de son enregistrement, le flottement rythmique, les chants primitifs débilitants (nous dirons pudiquement "tout en onomatopées alcoolisées"), la saturation rablée du son comme si l'on avait délibérément foutu dehors l'ingénieur du son de Hansa (ou comme si, plus probablement, l'ingénieur du son de Hansa était mort d'un infarctus dans les 6 premières minutes de la première prise).

Qui au monde voudrait se taper une répète d'un groupe qui joue à peine ensemble gravée sur vynil ? Moi ! C'est un disque énorme. Oui il est épuisant (d'ou viennent ses notes de pianos et ses bruits de portes qui coupent d'un seul coup la session ? est-ce un cache misère, sur une ou deux dizaines de minutes ou l'on aurait pas réussi DU TOUT à jouer ensemble ?), oui il est mal exécuté, oui il sent à plein nez le trop plein de toutes les drogues que l'univers peut porter. Le décrier aussi misérablement ne vaut rien. "Primitivität" ! disait Meisel en 1925. Il a enfin été entendu. La société allemande revient ! Le disque n'est peut etre pas le disque pop du siècle, ni le meilleur du kraut rock qui parviendra bien heureusement à pondre mille choses meilleures. Mais il est LE disque de la libération de l'Allemagne de son carcan conservateur, productiviste, de sa dénazification mal dégrossie, de sa société engoncée. Le disque du dégel. Il faut savoir réinjecter le contexte historique à chaque écoute, ou savoir n'en avoir rien à foutre et accepter le déferlement sonique dans la joie et l'extase. L'expression de catharsis, vieux serpent de mer dela critique rock, aurait ici un certain sens. C'est un disque incontinent ce "psychedelic underground". L'Allemagne est en train de se pisser dessus en riant. Vivre nu dans ses excréments n'est probablement pas artistiquement tout à fait probant. Mais il est des temps où les choses capitales naissent dans un moment de rupture. Une petite suspension hors de l'histoire. et tant pis si personne n'a réussi à enregistrer les voix des beuglards potablement et si rien, pas le moindre instrument vaillant, et dieu sait qu'il y en a (crecelles, percussions diverses en grands nombre), ne sature pas. Une énergie sexuelle brute, idiote, sans autre sens que celui de sa pure existence, c'est un moment de puissance hors la morale, hors les temps. Le sommet indiscutable est atteint avec le morceau très répétitif "im garten sandosa" (Faut-il faire un dessin ou une traduction ?) qui préécrit brutalement l'histoire du kraut rock, un thème, une rythmique, quelques hurlement, deux variations, 8 minutes. Dieu qu'il est bon de penser que l'on a pu dans un moment fabuleux penser briser tous les "rouages répressifs de la société bourgeoise" avec un petit buvard et un pagne. Un peu d'enthousiasme fondamental, en dose massive. indispensable en ces temps un tantinet désanchantés.


Ce moment ne durera pas. Le hippie-sme est aussi condamné que les autres cultures jeunes à devenir un suppot du capitalisme. Même le hippie-sme. Surtout le hippie-sme tiens ! n'oublions pas d'où viennent les dirigeants vieillissants de la Silicone Valley ! mais il y a dans le hippie-sme allemand de la K1 quelque chose deplus, quelque chose comme une conscience aigue de la nécessité de la non conscience, une conscience que la déstruction est la seule arme restante, quelque chose de profondément pré-punk. Une urgence politique joyeuse, une transe politique, condamnée à ne pas durer, à être unique. C'est là que se situe à mon avis le secret, le machin insaisissable qui rend la musique hippie allemande plus interessante que les autres, plus proche du punk que toutes les autres, plus proche de Detroit que de Katmandu.

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