21 octobre 2007

 

Berliner Projekt : premier tour de la question en forme de plan de travail

Titre provisoire "Berlin en 100 disques"

Description : Faire un guide historique de la musique berlinoise, en 100 disques.
100 disques qui permettent de visiter la ville. 100 disques produits sur place, ou réalisés par des artistes berlinois, à toutes les époques (depuis l'invention du disque).
Pourquoi 100 ? Pour le compte rond, parceque c'est beaucoup et cela permet de bien fouiller les choses.
Cela ne veut pas dire 100 chapitres. Certains parleront en quelques pages d'une dizaine de disques. D'autres parleront en 10 pages d'un seul. Mais nous essaierons de nous tenir à 100 oeuvres.

La musique de Berlin, la musique de l'Histoire
Le passionné de musique est toujours un chercheur, un documentaliste et un historien. Il passe sa vie à faire des arbres généalogiques. Je veux faire celui de Berlin. Etudier une "scène", une entité géographico/historique et ce qu'elle (a) produit.

A étudier la culture sous-terraine de Berlin, on soulève les questions de l'environnement dans lequel elle évolue. Je ne prétends pas l'étudier, je prétends simplement lui passer dessus. Devront surgir d'elles même quelques questions à portée un peu plus larges que celle du catalogue de mélomane.


Raconter Berlin ?

Faire de l'histoire par le bas. En racontant ces artistes, ces scènes et ces moments, sous le ciel de plomb de la grosse histoire, on foucaldise en quelque sorte. On fait l'histoire à travers la production de discours, si mineurs soient-ils. Cette Histoire de Berlin par la petite porte n'est pas mon ambition principale. Qu'elle transparaîsse, oui mais par la bande.

J'insiste. J'aime beaucoup cette peinture d'Alla Atchuk. Staline encule Hitler dans un petit twist passionnel où l'on a fait voler les meubles. Ce coït, c'est Berlin. Impossible qu'il n'ait pas produit une petite musique bien particulière.
Je n'essaierai pas vraiment de dégager un grand ensemble "ce qui fait qu'une musique berlinoise est berlinoise" je me contenterai d'observer ce qui se passe, "ce qui s'est passé". Ce que Berlin produit aux différents moments de son histoire, de dénicher les musiques qui sont pures essences de zeitgeist non diluées, et par là, surtout, ce que "Berlin a fait à la musique".

On ne veut donc surtout pas nier le geste artistique et le réduire à un pur produit de son environnement. On veut justement s'y intéresser et l'interroger dans son milieu. Comme un éthologue.
La distortion que la politique impose à l'art. Berlin est à son corps meurtri et défendant un parfait témoin de ces questions. Là comme ailleurs, je ne veux nullement en visiter les aspects théoriques. Nous sommes ici en pleine pop'-étude, pop'histoire et histoire de la pop : tout est affaire de cas pratiques. Le Potemkine de Meisel, Le Theme from Sputnik des Sputnik (oui du surf rock DDR de merveilleuse facture qui célèbre l'avancée technologique soviétique), Le Negativ Nein des Neubauten Etc. 100 études de cas qui permettront de voir ces questions en face, sans du tout chercher à les systématiser. (Sur votre droite : La geräuschmusikmaschine de Edmund Meisel, cliquable).


La musique et la terreur


La question de la fête sous la dictature. Un héroisme bien particulier, détaché de la lutte contre le régime. Une lutte identitaire. Toutes les fêtes, même sous les plus molles sociales-démocraties sont des confrontations/affirmations identitaires. Mais sous la dictature cela prend une toute autre dimension. Celle d'une lutte à mort, sans autre revendication que le "à soi". Comment se forger un véritable vivre ensemble, même ultra-minoritaire, dans une société totalitaire ? Julia m'a parlé l'autre jour des soirées funk interdites sous Pinochet. On a vu ou lu les fêtes iraniennes (Satrapi mais aussi le merveilleux Sang et or). Ces gens qui dansent au péril de leur vie. Ces actes de résistances qui ne sont que des actes de vie. Niveau artistique, ça n'est souvent qu'une importation des productions de l'occident, conditions de survie obligent. Niveau engagement, c'est inédit sous nos lattitudes.
Nombreux punks de la DDR ont fait de la prison. les interrogatoires musclés à la Stasi étaient monnaie courante. Tous étaient fichés. Les Swing-jungen (une découverte fascinante, j'en reparlerai plus longuement) sous Hitler ont pour beaucoup fini dans des camps. Les deux, et je soupçonne la même chose des jeunes fêtards funks du Chili, s'opposaient au régime sans la moindre volonté de rejoindre ses opposants "en lutte". Ils s'opposaient sans faire de "politique", juste en prenant du bon temps, en tissant du vivre ensemble. Les fêtards chiliens et les punks allemand sont des résistants sans armes. Leur opposition est une pure affirmation de vie dans un environnement mortifère. Aucun débat n'est possible avec la terreur, il faut la subvertir, même pour une heure, une nuit, un moment. Une TAZ de survie.

Comments:
Très beau texte... Sur la fête sous la terreur, il y a un témoignage littéraire intéressant dans le premier Social-Traître (le zéro). En fait c'est le seul bon texte : celui de Mahane sur l'Iran, je te retrouve ça tout de suite. Sur les fêtes en Iran (comme tu dis, au péril de leurs vies, au risque de la prison ou des coups de bâtons en tout cas) je me souviens d'un reportage d'Actuel assez incroyable, que je situe assez tard, peut-être dans un hors-série, vers 2000. Di Folco pourrait t'informer.

Enfin, j'ai aussi un contact qui a vécu longtemps à Berlin, un Irlandais post-punk/no wave aujourd'hui artiste contemporain à Paris (puis bientôt à Pékin), Antoin (me rappelle jamais son nom à consonance gaélique). Il m'a très bien raconté son expérience dans les squats berlinois après la chute du mur, ambiance dont il fut dégoûté par les redskins qui lui reprochaient de ne pas s'engager dans l'anti-fascisme. Lui voulait simplement faire de l'art et des fêtes. Comme tu le dis c'était certainement (de son point de vue anyway) beaucoup plus subversif.

Je te mets tout ça au chaud.

Le mot de passe du jour est "apasoknq". Ca ne veut rien dire, je ne te félicite pas.
 
http://www.antoinoheocha.com/ (j'ai son numéro de tél.)

Extrait du texte de MMH dans S.-T. #0 :

"Pour des raisons dont nous ne comprendrons que bien plus tard l’enjeu politique, la police souhaite faire de cette soirée, de cette descente, de tous ces détenus en tenue de soirée, une affaire exemplaire. Les familles passent pour protester, pour s’humilier, elles ne nous verront pas. Autorisées seulement à laisser des vêtements décents pour les plus débraillées, et un peu de nourriture. Le deuxième jour, le bruit court qu’un examen médical va être pratiqué avant le procès. Larmes. Cris. Hurlements même, certaines filles tombent dans l’hystérie ou dans une torpeur proche de l’évanouissement. (...) Nous avons chaud et manquons un peu d’air, il devient
vital de se calmer. En saisissant des bribes de chuchotements, je comprends que l’examen médical tant redouté est
un examen de virginité. S’il devait avoir
lieu, plusieurs filles assurent déjà que leurs mères sauront se débrouiller pour
les marier, en leur absence, à leur petit ami ou à un autre, prêt à rendre service, afin de leur sauver la mise.
(...)
Le troisième jour, le procès a lieu, croisant nos familles nous comprenons qu’elle n’ont pas chômé, il y a eu de l’argent, du léchage de bottes, de la contrition. Il y a eu sûrement, des larmes et des tentatives d’intimidation, il y a eu, surtout, des coups de fils et des échanges d’influence. Nous serons condamnés à une amende très élevée et à une peine de coups de fouet que les mères auront soin d’aller racheter aux officiantes : contre un bakchich supplémentaire, elles frapperont le sol au lieu du dos des condamnées. Les garçons auront moins de chance, les hommes s’étant montrés moins corruptibles, il recevront leurs coups, atténués par un petit graissage de patte quand même. La loi prévoit que les coups soient assénés avec le Coran coincé sous l’aisselle droite, afin d’éviter de lever le bras trop haut et de donner de ce fait des coups trop puissants. Étrange souci d’humanité...
L’homme qui nous a jugés a dit que nous étions des bêtes sauvages. Nous avons tous baissé la tête et admis que nous l’étions. À la sortie du tribunal les bêtes sauvages se sont quittées sans un mot. Deux heures plus tard nous
apprenions qu’à l’autre audience, celle des organisateurs de la soirée, le garçon dont c’était l’anniversaire ainsi que son père, propriétaire de la maison, avaient été condamnés à un an de prison ferme.
De toutes façons on savait bien que c’étaient des gens de la famille qui avaient dénoncé la fête, pour se débarrasser du vieux et de son fils le temps de régler sans eux la vente de la maison et d’autres sordides histoires d’héritage. Le fric, toujours le fric, hein. Du moins est-ce ce qui se murmurait un mois plus tard, au cours d’une soirée chez Lida — la grande fille au profil de rapace, qui fêtait son anniversaire à grand renforts d’herbe maison et d’alcool artisanal, partageant avec ses amis la grisante impression de faire de la résistance."

(Mot de passe = vzomer)
 
très beau texte de Mahane oui... en plein dans l'vif. ca fait mal...

merci !

(mot de passe: maxbnn, ca ne s'arrange pas)
 
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